« Comment faire mieux qu’on ne l’a jamais fait ? » Telle était, selon Jack Nicholson, l’obsession de Stanley Kubrick, disparu il y a aujourd’hui exactement 10 ans, le 7 mars 1999. Stanley Kubrick était âgé de 70 ans.
C’est un mythe du cinéma qui nous a alors quitté. Unique, génial, inimitable, il a abordé et bouleversé tous les genres. De Barry Lyndon à Lolita, des Sentiers de la gloire à 2001, l’Odyssée de l’espace, chacun de ses films étaient une exploration de la condition humaine. Obsédé, toute sa vie, par le conflit entre la raison et les pulsions, exigeant, visionnaire, c’est un peu comme si aujourd’hui, le monde du cinéma était orphelin de son Molière ou de son Shakespeare.
Hommage à ce réalisateur immense…
Cinéaste irréductible à ses seules images et sons, Stanley Kubrick aura, en cinquante ans de carrière, repoussé les limites de la galaxie cinéma. Une œuvre linéaire de treize films qui incite à parler de génie pour évoquer les figures de Docteur Stanley et de Mister Kubrick.
Fear and Desire
Incontestablement, Kubrick fait partie de l’Histoire du cinéma ; comme d’autres en peinture, littérature etc. son œuvre excède les normes. Déborder le cadre du cinéma en général et repousser les limites de ses précédents films en particulier, voilà bien le maître mot du travail de Stanley Kubrick mais difficile, pourtant, de distinguer une œuvre maîtresse. Et si l’œuvre de Kubrick n’est réductible à un seul de ses films, c’est parce que, au-delà des histoires qu’elle aborde, elle ne fait qu’un, sous-tendu d’un film à l’autre par une thématique et une esthétique récurrente.
Kubrick était extrêmement sensible à la souffrance de l’homme. Il fait partie de ces artistes comme Kafka ou Dostoïevski qui ont un sens terrible de la précarité et de l’agression dont l’homme est la victime. Dans le cas extrême, c’est la guerre mais en fait, tous les films de Kubrick sont sur la guerre. Même les films sur le couple. C’est la continuation de la guerre par d’autres moyens.
Lolita
Loin de l’optimisme de l’industrie du spectacle, l’humanité chez Kubrick semble rongée de l’intérieur par sa propre violence. Une violence qui nous fascine en même temps qu’elle nous effraye mais une violence qui semble être le seul moteur de l’activité humaine.
Kubrick était intéressé par les grandes fractures historiques, il réfléchissait sur les civilisations. Il était intrigué par les moments de ruptures de l’Histoire comme la fin du XVIII ème, l’arrivée de la Révolution – Il voulait faire un film sur Napoléon, et a réalisé Barry Lyndon – des moments ou tout bascule, où la société change. Pour prendre un exemple, la guerre du Vietnam – Full Metal Jacket – a radicalement changé la société, avec cet ébranlement de la puissance américaine et aussi, comme il le montre dans le film, le rôle des médias, des instructeurs…
Full Metal Jacket
Trente ans avant Full Metal Jacket, Kubrick s’était déjà attaqué au film de guerre avec un pamphlet virulent contre les bouchers du haut commandement français. Pour cela et malgré la grandeur de ce film, Les sentiers de la gloire resteront longtemps interdit en France.
Les Sentiers de la Gloire
Ce qu’il faut signaler chez Kubrick, c’est le conflit entre la raison et la passion. Tous ses films sont fondés là-dessus, sur la capacité d’un homme de rationaliser, d’être un sujet pensant, de pouvoir préparer les plans les plus minutieux… et en même temps, la part animal qui est en l’homme, sa part passionnelle, qui va l’amener à faire échouer par l’irrationalité ce que la raison avait provoqué. Paul Valéry disait une chose très belle à ce sujet. « Deux dangers menacent le monde : l’ordre et le désordre ». Le cinéma de Kubrick, c’est un peu l’application de cette phrase de Valery.
Spartacus
Simple exécutant soumis au diktat des studios, Kubrick ne renouvela pas l’expérience de Spartacus et s’enfuit loin de Hollywood. Un choix d’indépendance que lui reprochera longtemps l’industrie américaine du cinéma. Kubrick ne remportera d’ailleurs jamais l’Oscar du meilleur film, ni même du meilleur réalisateur alors que l’ont peut voir le nombre de médiocre qui ont eu cet Oscar…
Mais alors qu’hier, Hollywood n’avait pas une pensée pour l’ermite Kubrick, depuis sa mort, et même aujourd’hui, la Mecque du cinéma se prosterne devant celui qu’elle n’a pas réussi à martyriser.
Shining
Kubrick, loin d’être le maniaque parfois décrit était plutôt un perfectionniste hanté par l’idée de se dépasser. Dès ses premiers courts-métrages, Kubrick se singularise par cette liberté farouche qui avait fait de lui un cas unique, un symbole de résistance à Hollywood. Avec ses premiers courts-métrages, documentaires ironiques et distanciés, Kubrick pose les fondations de ce qui deviendra un véritable système créatif : la maîtrise et le contrôle de chaque étape de la fabrication d’un film. De la production à la réalisation, l’artiste se transforme en artisan, puis de l’artisan en technicien à la pointe de son art. Kubrick, comme les artistes de la Renaissance, avait une vision globale de son art. Tout entre dans cette vision. C’est une façon d’appréhender le monde et bien sûr, l’art lui-même. Kubrick pousse ainsi les recherches dans tous les domaines. Il pousse les recherches dans l’utilisation de tel type de caméra, de tel type d’objectif (cf. 2001 & Barry Lyndon), dans l’utilisation de la Steadycam (cf. Shining), qui fait construire des décors, qui poussent ses collaborateurs à ce dépasser…
Barry Lyndon
Touche à tout du cinéma, producteur, co-auteur, chef opérateur, réalisateur et monteur de ses films, Kubrick est partout à la fois, à l’exception de la place devant la caméra qu’il laisse à ces comédiens. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir avec eux le même niveau d’exigence qu’avec ses techniciens.
Eyes Wide Shut
En ouvrant grand les yeux sur Nicole Kidman, Kubrick redonne à la femme un rôle de premier plan dans sa filmographie. Inspiré d’une nouvelle de Schnitzler (La Nouvelle rêvée), le romancier favori de Freud, Kubrick signe avec Eyes Wide Shut son film le plus directement psychanalytique. Cependant, on peut se demander si avec Shining déjà, le cinéaste n’avait pas déjà exploré les tréfonds de son inconscient.
Seigneur de l’adaptation, Kubrick s’est aussi toujours inspiré des autres pour faire vivre son univers personnel. De Burgess à Nabokov, en passant par Stephen King, Kubrick aspire littéralement la matière de ces auteurs pour nourrir ses propres concepts, ses propres visions.
Orange Mécanique
2001, l’odysée de l’espace
Kubrick était probablement un cinéaste philosophe. Chez lui, l’image revoyait toujours à l’idée. Ce n’était pas un cinéma d’idées, ce qui aurait alors été un cinéma desséché et intellectuel. Ce n’était pas non plus un cinéma d’images, qui aurait été un cinéma publicitaire et sans contenu. C’était un cinéma d’images, oui mais qui renvoyait toujours aux idées, c’est-à-dire chez Kubrick, au devenir de l’Homme.
De la préhistoire au futur proche, Kubrick aura embrassé toutes les époques de l’humanité, son œuvre réunissant, elle, tous les publics, classes, races et générations confondues. C’est la tâche la plus extraordinaire de l’art. Et c’est ce que faisait Shakespeare quand son théâtre était vu par des gens de toutes les conditions. C’est en tout cas ce que le cinéma était hier, ce qu’il est de moins en moins et la perte de Kubrick, c’est ça… la perte d’un cinéma ambitieux et que l’on a tendance à oublier.
Docteur Folamour
Monolithe au cœur de la cinématographie mondiale, l’œuvre de Stanley Kubrick s’affirme unique, inaltérable, inimitable. Ce qui reste peut-être du travail de ce Michel-Ange du XXème siècle, c’est sûrement cette fascination, dans les yeux de millions de gens qui auront rêvés tout éveillés à la projection de ses films. Des images plein la tête, jusqu’à la fin des temps.
C’est marrant, justement je trouve Martyrs assez Kubrickien…
Lol
Ok je sors…
ouais vaut mieux pour toi, sinon je vais chercher la hache de Jack et on verra qui est le martyr lol
Extatique, je lève déjà les yeux vers le ciel…lol
10 ans ?
aucune recompense ?
c’est vrai …
on pourrait en dire des chose sur Kubrick … pourtant il n’y a qu’à faire defiler sa filmographie, ça suffit amplement …
mettre des images sur des idées … et quelles images !! au services de quelles idées !!