Le Cahier (Buda Az Sharm Foru Rikht) d’Hana Makhmalbaf (2007)

S’il existe une dynastie Coppola au sein du paysage cinématographique Hollywoodien, il est une autre famille, du côté de Téhéran, pour qui le cinéma est inné. Tout commence avec Moshen Makhmalbaf, un des maîtres du cinéma perse avec Abbas Kiarostami et notamment auteur du Silence (1998). Moshen est le père de Samira, réalisatrice de La Pomme (1997) ; de Maysam, réalisateur du making-of du Tableau Noir de sa soeur Samira (2000); et de Hana, réalisatrice du Cahier dont nous nous apprêtons à parler. Moshen est également l’époux de Marzieh Meshkini, réalisatrice du Jour où je suis devenue femme (2001) et de Chiens Egarés (2005).

En recomposant l’arbre généalogique de cette famille dédiée au septième art, nous ouvrons quelques pistes pour la lecture de ce Cahier, premier long-métrage (à 19 ans) d’Hana. Le Cahier est une production de la Makhmalbaf Film House, une école de cinéma fondée par Moshen et dont le but premier est de reconstruire une cinématographie en Afghanistan, pays ravagé par les guerres et frontalier de l’Iran.

Les films de la Makhmalbaf Film House traitent donc régulièrement de l’Afghanistan contemporain via les films de chacun des membres de la famille : Marzieh Meshkini évoque l’émancipation des femmes perses par rapport au Tchador dans Le Jour où je suis devenue femme ; Samira parle de la chute du régime Taliban dans A cinq heures de l’après-midi et maintenant, Hana nourrit son premier film par le contexte de la destruction par les talibans des Bouddhas géants de Bâmiyan en 2001. Le Cahier commence ainsi par des images d’archives de la destruction de ces statues monumentales.

Le Cahier adopte le point de vue d’une enfant pour une histoire simple et relativement assimilable à une fable. Baktay, une petite fille de 6 ans, souhaite suivre son voisin Abbas à l’école « pour apprendre des histoires ». Elle doit pour cela acheter un cahier. Elle part vendre des oeufs au bazar et, après quelques petites péripéties, finit par acquérir son précieux sésame. Sur le chemin de l’école, Baktay rencontre un groupe de jeunes garçons à peine plus âgés qu’elle. C’est à partir de là que le film d’Hana Makhmalbaf réussit à capter l’attention de ses spectateurs.

Jusque-là, le film paraissait pour le moins bancal : une image DV propre mais vraiment pas belle, une réalisation plutôt académique et une mise en place qui repose sur des ressorts vus et revus dans les films des aînés de la réalisatrice. C’est une constante dans le cinéma des Makhmalbaf, l’histoire est vue à travers le regard d’enfants particulièrement attachants (Cf Le Silence, Le Tableau Noir, Chiens Egarés, entre autres…). Les adultes sont souvent exclus de ces longs-métrages et l’un des thèmes principaux est l’éducation, la scolarité. Le Cahier remplit tous les critères. Le premier quart d’heure du film repose donc essentiellement sur la jeune actrice du film, un petit bout de chou de 6 ans, au regard étoilé qui suscite inévitablement l’affection des spectateurs.

Le film prend une tournure décisive lorsque la petite Baktay croise le chemin de ce groupe d’enfants dont nous parlions. Devant les cadavres des statues de Bouddhas, ceux-ci jouent aux Talibans avec un réalisme assez effrayant. Baktay est soudainement traitée d’impie par des garçons qui braquent sur elle des petites branches d’arbres en guise de fusils. Baktay est jugée hâtivement et condamnée à être lapidée. Les garçons rejouent toutes les séquences de la guerre d’Afghanistan. Par exemple, Abbas le voisin de Baktay, est pris à parti en tant qu’ennemi américain. La façon dont Hana traite ses séquences amorce l’idée du pire, d’un dérapage fatal en même temps que l’on se demande parfois si ces garçons jouent vraiment ou reconstituent plutôt.

En 1h15 à peine, Hana Makhmalbaf nous fait partager des émotions contradictoires avec un film parfois maladroit, parfois trop lourdement symbolique, mais finalement intéressant et prometteur.

Benoît Thevenin


Le Cahier – Note pour ce film :

Sortie française le 20 février 2008


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