Cannes 2009 : Présentation détaillée de la 62e sélection

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Dès ses balbutiements, 2009 s’annonçait comme une très riche année de cinéma. Tous les grands cinéastes que compte ce monde, à quelques rares exceptions près, semblent s’être donné rendez-vous cette année pour livrer un nouveau film. La perspective de Cannes, la plus clinquante manifestation internationale cinéphile ne pouvait qu’augurer d’une sélection on ne peut plus prestigieuse. On ne s’est pas trompé ! La sélection 2009 fait la part belle à des cinéastes rompus aux us et coutumes cannoises, des auteurs tous réputés qui pour certains sont nés ici, des pointures internationales, plus ou moins populaires, mais qui sont tous portés par une cohorte de fans. Bref, Cannes 2009 ne laisse aucune place aux découvertes, ne révèlera aucun grand nom aux cinéphiles avertis. C’est une demi surprise tant Cannes avait pris un nouveau départ ces derniers temps , en laissant un large espace à des réalisateurs nouveaux. L’édition 2009 est donc très excitante, car  pour chaques films, il y a de nombreuses raisons d’être au moins dès plus curieux.

Tentons maintenant de déblayer un peu le terrain, en espérant – chose qui n’est pas encore certaine – que Laterna Magica sera sur la Croisette pour vous faire partager comme ces dernières années notre regard sur les films qui concourrons pour la Palme.


I. Le club des Palmés

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Ils sont rares encore les cinéastes à avoir remportés à deux reprises le plus prestigieux des prix cannois : Francis Ford Coppola, Bille August, Emir Kusturica, Shoei Imamura et les frères Dardenne). Aucun d’entre eux ne sera là pour espérer une inédite passe de trois. Ils sont en revanche quelques uns à avoir déjà triomphé une fois à Cannes.

Quentin Tarantino sera sans doute le réalisateur le plus attendu de la quinzaine. Lauréat en 1994 avec Pulp Fiction, le cinéaste américain perpétue la tradition de sa présence à Cannes et présentera Inglorious Basterds. Une belle montée des marches est à prévoir (Brad Pitt, Diane Kruger, Samuel L. Jackson, Maggie Cheung, Tim Roth, Mélanie Laurent) pour ce film de guerre qui permettra à Tarantino comme à son habitude, de revisiter les territoires chéris de sa propre cinéphilie. La bande-annonce, disponible depuis de nombreuses semaines déjà, est assez intriguante…

Ken Loach, palmé en 2006 pour le Vent se lève, concourra lui avec Looking for Eric, drame social qui permettra de faire le pont entre le culte footballistique qui entoure Eric Cantona de manière très particulière du côté de Manchester, et cette légitimité d’acteur que l’ex-joueur continue de poursuivre. Eric Cantona succède à Maradona sur les marches Cannoises. Dans Looking for Eric, il joue son propre rôle, ce qui n’est pas forcément aisé surtout pour un projet finalement très particulier.

Lars von Trier (palme d’or 2000 avec Dancer in the Dark) ne laisse jamais indifférent. Il ne devrait pas faillir à sa réputation avec son très attendu Antichrist (avec Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg), un film d’horreur sans aucun doute atypique. Lars von Trier est déjà l’auteur de L’Hôpital et ses fantômes, terrifiante série TV qui nous assure les capacités du très tordu cinéaste danois pour pousser les spectateurs dans leurs retranchements. Soyez certains que ce film sera très commenté partout au moment de sa présentation.

Une seule femme à déjà remporté la Palme d’or. C’était en 1993 avec La Leçon de Piano de Jane Campion et depuis, aucune cinéaste femme n’a pu reprendre le flambeau. Jane Campion a souvent déçu depuis son apothéose cannoise (Holy Smoke, In the cut). Les attentes la concernant seront donc très mesurées. Ce qui plaide en la faveur de la réalisatrice Néo-zelandaise, c’est se retour (a priori) à un style de cinéma qui lui a plutôt réussi. Bright Star, évocation de l’histoire amoureuse et tourmentée – au XVIIIe – entre les poètes britanniques John Keats et Fanny Brawne, semble puiser dans un registre relativement proche de Portaits de Femmes, l’adaptation par Jane Campion du roman d’Henry James, sans doute son film le plus remarquable.

II. Les réalisatrices

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Outre Jane Campion, elles ne seront pas nombreuses les femmes cinéastes à rêver d’une Palme. Elles ne seront même que deux face à une armada de réalisateurs. Il n’y a pas de guerre des sexes à Cannes, mais un état de fait qui oblige à constat inégalitaire quelque peu récurrent.

Mais Andrea Arnold et Isabel Coixet offrent de belles promesses ! Andrea Arnold, nous l’avions découverte en 2006 à Cannes (Prix du jury), à travers son premier long-métrage, le très aboutit Red Road. Un film majeur du cinéma des années 2000 et que nous vous invitons très chaleureusement à découvrir. Fisk Tank réunit deux acteurs anglais révélés très récemment : Kierston Wareing incarnait pour son premier rôle et de manière impressionnante l'(anti)héroïne courage de It’s A free world… de Ken Loach. Michael Fassbender, qui a bouleversé Cannes en 2008 avec Hunger de Steve McQueen,  partage avec elle l’affiche. A noter que Fassbender fait également partie du casting du film de Tarantino, Inglorious Basterds.

Isabel Coixet est elle l’auteur d’un des plus beaux films de ses dernières années, le sublime Ma Vie sans moi (avec Sarah Polley et Mark Ruffalo, en 2003). La réalisatrice espagnole nous a déjà habitué au grand écart, que ce soit pour le sujet de ses films, mais aussi pour la trajectoire qu’emprunte ses personnages (Cf. également The Secret Life of Words). Dans Map of the sounds of Tokyo, une poissonnière (Rinko Kikuchi, vue dans Babel) deviendra tueuse professionnelle. Un parcours un brin particulier qui l’amènera probablement à trouver sur sa route un personnage incarné par Sergi Lopez..

III. Les éternels favoris déçus.

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Parrain d’Isabel Coixet dont il a produit Ma Vie sans moi, Pedro Almodovar rêve depuis de longues années de remporter la Palme. Son ambition est connue de tous, il ne s’en cache pas. Tout sur ma mère et Volver sont passés près du Graal mais le cinéaste ibérique ne figure toujours pas au Palmarès de cette fameuse Palme. Une nouvelle chance lui est offerte avec ses très attendues Etreintes brisées, une histoire d’amour fou dans laquelle on retrouvera l’égérie de Pedro Almodovar, Penelope Cruz.

Quentin Tarantino n’avait pas caché au terme de sa présidence cannoise en 2004 que, si l’attribution de la Palme n’avait tenue qu’a lui, Old Boy aurait été primé. L’ébouriffant cinéaste coréen Park Chan Wook se voit offrir une seconde chance. Il concourra donc (entre autre) contre Tarantino et avec Thirst (aka Ceci est mon sang), une histoire de vampires qui ne devrait pas répondre aux conventions du genre et qui devrait aussi être le prétexte à la folie visuelle (esbrouffe ?) dont le cinéaste est coutumier.

IV. Les Français.

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Le cinéma français à attendu plus de 20 ans et Laurent Cantet pour être anoblit de nouveau par Cannes. Cette années les réprésentants sont tous prestigieux, d’écoles différentes, et les garants d’un cinéma très personnel et atypique dans le paysage du cinéma français.

On commence avec Gaspar Noé, cinéaste trublion, provocateur invétéré, qui à déclenché l’hystérie d’une partie du public lors de la présentation déjà en compétition à Cannes du très exigeant Irréversible. Soudain le vide, tourné à Tokyo et plus ou moins dans le secret, est un film terriblement excitant pour plusieurs raisons : parce que Noé est un réalisateur rare, porteur d’une ambition de cinéma, et qui ne laisse jamais indifférent ; parce que son cinéma était jusqu’a présent sans concession mais que Soudain le vide semble marquer un possible basculement vers autre chose ; et enfin parce que les premiers visuels du film qui nous sont parvenus depuis un an tout juste déjà, témoigne d’une ambiance et d’une virtuosité qui ne devrait pas laisser de marbre les festivaliers qui se projetterons dans le vide de Noé. Attention ca peut secouer.

Autre film dont on ressent déjà le potentiel pour une vive polémique cannoise, Un Prophète de Jacques Audiard, une plongée dans les milieux souterrains des banlieues parisiennes qui devrait valoir son lot de commentaires. Audiard est un des cinéastes les plus intéressants en France de ces dernières années (Sur mes lèvres, De Battre mon coeur s’est arrêté…). On a toute confiance.

Xavier Giannoli est un habitué de Cannes. Révélé par son Interview, Palme d’or du court-métrage en 1998, Giannoli a quelque peu peiné pour nous convaincre ensuite (Les Corps impatients en 2003, Une Aventure en 2005). Quand j’étais chanteur en 2007, sélectionné à Cannes, marquait très certainement une étape dans l’évolution de son travail. On sent en tout cas dans ce film une certaine maturité de cinéaste. On espère la retrouver dans A l’origine, un drame social et amoureux qui réunit François Cluzet et Emmanuelle Devos.

On retrouvera également Emmanuelle Devos dans le nouveau film d’Alain Resnais, les Herbes folles. L’actrice y cotoiera la fidèle troupe de comédiens dans l’univers de Resnais : André Dussolier, Sabine Azéma etc. Le film est l’adaptation d’un roman de Christian Gailly qui devrait offrir le terrain idéal pour les malices habituelles de Resnais.

V. Ces cinéastes qui aiment la France.

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En tous les cas, que ce soit Tsai Ming Liang ou Johnnie To, on sait qu’ils aiment le cinéma français, ou plutôt un certain cinéma français…
Tsai Ming Liang parsème régulièrement son oeuvre de références à la Nouvelle Vague et à Truffaut. Son nouvel opus, Visages, a même carrément été tourné à Paris et plus précisement au musée du Louvre. Laetitia Casta, Fanny Ardant et Jean-Pierre Léaud – un habitué du cinéma de Tsaï Ming Liang – déambuleront donc dans l’univers très contemplatif du cinéaste malais. Mais Tsaï Ming Liang n’est pas juste un cinéaste contemplatif, son travail à toujours été, jusque là,  fascinant.

Les amours françaises de Johnnie To vont elles plus facilement au cinéma de Melville. Et c’est en hommage au réalisateur du Cercle Rouge que le cinéaste hong-kongais à tourné Vengeance avec un autre Johnny… Hallyday ! Ce dernier incarne un personnage que Alain Delon, le Samouraï de Melville, avait refusé de jouer…

Michael Haneke aime aussi la France, ca ne fait aucun doute. Celà fait déjà plus d’une  décennie que le cinéaste autrichien tourne régulièrement en France, avec des acteurs français, des capitaux français et parfois même en langue française. Sauf que cette fois, et dans la foulée de son exil hollywoodien pour son auto remake de Funny Games l’année dernière, Haneke est revenu à sa terre natale. Le Ruban Blanc prendra pour cadre la première Guerre Mondiale et devrait dépeindre à nouveau les aspects les plus sombres de l’humain. Au casting, nous retrouverons Susanne Lothar (la maman dans Funny Games) et Ulrich Tukur, récemment vu en marchand d’art dans Séraphine de Martin Provost.

VI. Les autres cinéastes de la compétition.

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Brillante Mendoza, chef de fil du renouveau du cinéma Philippin, s’était fait remarqué l’année dernière à Cannes avec Serbis. Le revoilà cette année avec Kinatai. Aucune véritable information ne circule encore sur ce film. Le cinéaste du très beau John-John peut très bien créer la surprise..

Le plus éminent cinéaste palestinien Elia Suleiman est lui aussi de retour à Cannes cette année. Le cinéaste avait reçu le prix du jury en 2002 pour Intervention Divine. Le Temps qu’il reste, introspection politique sur la place de la Palestine dans le monde, permettra de rediscuter à Cannes des politiques du Proche-Orient, un an après Valse avec Bashir.

Le cinéaste chinois Lou Ye devrait lui s’assurer de nouveau les foudres du pouvoir politique chinois. Dans la collimateur depuis la présentation à Cannes en 2003, sans autorisation de la censure de son pays, de Une Jeunesse Chinoise, Lou Ye revient cette année. Nuit d’ivresse printanière à même toutes les chances de provoquer l’ire de ses censeurs, tant le film semble bousculer quelques tabous, notamment autour de la sexualité.

Autre cinéaste asiatique, mais exilé depuis longtemps déjà aux Etats-Unis, le Taïwannais Ang Lee offrira aux festivaliers cannois ce qui devrait être le film le plus rock’n roll de la quinzaine. Talking Woodstock évoquera bien évidemment le célèbre festival et l’époque hippie de la fin des années 60’s. Au casting, Emile Hirsch, souvent dans les bons coups (Into the wild, Speed Racer, Harvey Milk etc.)

Terminons notre panorama concernant les seuls films de la sélection officielle, avec Marco Bellochio, le très expérimentés cinéaste transalpin, seul représentant de sa cinématographie pour cette édition, un an seulement après les succès de Gomorra et d’Il Divo. Le film de Bellochio ne devrait rien à voir avec ces deux films là mais s’annonce pour le moins prometteur tant Bellochio ne nous paraît jamais autant à l’aise que lorsqu’il revisite l’histoire de l’Italie, en témoigne par exemple Buongiorno Notte. Avec Vincere, Bellochio s’intéresse cette fois à Mussolini à travers cette histoire d’Ida Dalser, la maîtresse du Duce.  Le personnage en question sera incarnée par la très belle Giovanna Mezzogiorno (Juste un baiser, La Bête dans le coeur, La fenêtre d’en face etc.)

VII. Hors-Compétition

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Le festival de Cannes s’est offert le luxe du dernier films des studios Pixar pour l’ouverture de sa 62e édition avec Là-Haut. Le label Pixar, c’est en théorie la garantie d’un vrai bon moment de distraction, d’un film léger, drôle et intelligent, à la fois pour les petits et les grands. En clair, la promesse de lancer les festivités sous les plus beaux augures.

En conclusion, lorsque tous les festivaliers seront éreintés par la sommes des projections de la quinzaine, Cannes s’offre le petit risque d’une double overdose. C’est le film de Jan Kounen, Coco Chanel et Igor Stravisky, qui aura les honneurs de clore le festival. La double overdose, c’est simplement parce que ce projet s’ajoute au téléfilm de France 2 diffusé il y a quelques semaines et consacré à la coutûrière, mais aussi et plus encore au film Coco avant Chanel d’Anne Fontaine, actuellement dans les salles. Jan Kounen fait lui une nouvelle fois le grand écart, son dernier film vu restant 99F, lui même arrivant après Blueberry. En tout cas, Chanel correspond évidemment à une image de Cannes que Cannes ne pouvait pas snober.

Un an après son décès, le souvenir de Heath Ledger est plus que jamais vivace, principalement grâce à la formidable impression laissée l’été dernier par The Dark Knight de Christopher Nolan. Heath Ledger sera mis à l’honneur de Cannes par ce qui restera son dernier film, l’Imaginarium du Docteur Parnassus de Terry Gilliam. Heath Ledger est décédé pendant le tournage de ce film, ce qui à évidemment incité Gilliam à revoir ses plans. Le film est d’autant plus une curiosité. Un Terry Gilliam fait de toute façon toujours l’évènement et… la montée des marches sera royale : Johnny Depp, Jude Law, Colin Farrell etc.

Nous n’avions plus de nouvelles d’Alejandro Amenabar, le petit génie du cinéma ibérique, depuis Mar Adentro en 2005. Le cinéaste est depuis reparti à Hollywood – ou il avait déjà tourné Les Autres –  et à réalisé Agora, un péplum avec Rachel Weisz, l’héroïne de… La Momie !

Le cinéaste marseillais Robert Guédiguian livrera lui L’Armée du Crime, une fresque historique très personnelle dans laquelle il rendra hommage aux résistants arméniens du réseaux Manouchian fusillés au crépuscule de la seconde Guerre Mondiale.

VIII. Séances de minuit.

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Le film évènement de cette section hors-compétition, c’est la présentation de Jusqu’en en Enfer de Sam Raimi. Le réalisateur de Spiderman renoue enfin à ses premiers amours, le cinéma fantastique. Nous avons évidement hâte.
Le film de Pixar ne sera pas le seul film d’animation à avoir les honneurs du Grand Théâtre Lumière. Le duo belge Patar et Aubier promet la Panique au village. Le film prend la suite d’une série de courts-métrages d’animation à l’humour décapants.
Scénariste pour François Ozon et Pascal Bonitzer, Marina de Van est aussi une réalisatrice de talent, auteur notamment de l’excellent Dans ma peau en 2002. La réalisatrice à longtemps peiné pour mettre en scène son nouveau projet mais à réussi à unir Sophie Marceau et Monica Bellucci dans ce qui pourrait bien être le film le plus sulfureux de cette 62e édition cannoise.

Benoît Thevenin


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Aucun commentaire sur “Cannes 2009 : Présentation détaillée de la 62e sélection”

  1. Boustoune dit :

    J’espère vivement que tu pourras être sur la Croisette pour assister à cette édition qui, sur le papier, présente une sélection plus qu’alléchante, parfaitement équilibrée entre films de genre et films plus radicaux.
    En tout cas, bravo pour ce panorama très complet du programme des festivités.

  2. Axel dit :

    Dans les films que j’attends avec impatience, il y a forcément le Tarantino, puis Lars von Trier. Chez les Français, Audiard (qui ne m’a jamais déçu) et Gaspar Noë (toujours intriguant). Et enfin le film d’Isabel Coixet…
    Quant aux films hors compét’, le Terry Gilliam (avec son casting quatre étoiles) et le retour de Sam Raimi aux affaires (en attendant un hypothétique Evil Dead 4 ?)

  3. Axel dit :

    Je sais que tu ne l’as pas vu, j’ai dû mal chercher sur le net, mais finalement… il vaut quoi le Chanel et Stravinsky de Jan Kounen ???

  4. Benoît Thevenin dit :

    alors voici l’avis d’un ami blogueur, Antoine aka Boustoune

    et ici, l’avis d’un ancien collègue :

    http://festivaldecannes.allocine.fr/festivaldecannes-227461-coco_chanel__igor_stravinsky_de_jan_kounen__film_de_cloture.htm

    L’un comme l’autre, je me reconnais généralement bien dans leurs goûts 😉

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