La Quinzaine des réalisateurs s’est faite vocation de découvrir les grands auteurs du cinéma de demain. Les films de cette sélection peuvent être exigeants, plus que la moyenne des autres films présentés à Cannes, mais ont tous quelque chose en eux qui les rend particuliers. Evidemment, toute sélection a ses bons et mauvais élèves. Tentons un tour d’horizon des films de la Quinzaine 2009.
L’évènement c’est la désignation du film d’ouverture. Double lauréat de la Palme d’Or, Francis Ford Coppola et son Tetro étaient plutôt attendus en compétition officielle. Faut-il augurer d’un mauvais cru de la part d’un cinéaste qui avec L’Homme sans âge, son dernier long-métrage qui a laissé beaucoup de ses spectateurs sur le bas-côté, semble avoir amorcer un nouveau départ ? La réponse sera vite connue, d’autant que Cannes est impitoyable. Tetro se déroule entre l’Italie et l’Argentine avec un frère sur les traces de son aîné. Rivalités artistiques, familiales et amoureuses sont à prévoir pour ce film qui réunit entre autres Vincent Gallo et Carmen Maura.
I. Les Français
Ancien critique aux Cahiers du cinéma dans les années 50, Luc Moullet est maintenant un cinéaste vétéran, souvent oublié mais qui est particulièrement mis à l’honneur en ce moment. Le Centre Pompidou consacre actuellement une rétrospective des films – courts et longs-métrages le plus souvent comiques – de ce cinéaste quelque peu atypique et que l’on avait tendance à oublier. Nous avions tord et 2009 et manifestement l’année Moullet. Le cinéaste présentera au public de la Quinzaine La Terre de la folie.
Egalement critique cinéma mais à La Lettre du Cinéma, Axelle Roppert présentera son premier long-métrage, La Famille Wolberg. La réalisatrice, connue également en tant que scénaristes des films de Serge Bozon (Mods, La France) nous invitera aux dix-huit ans de Delphine, la fille de la Famille Wolberg… une famille en apparence tranquille et bien sous tous rapports mais qui va peu à peu se déliter complètement. Au casting, Valerie Benguigui, François Damiens, la jeune Leopoldine Serre et Jean-Luc Bideau.
Alain Guiraudie s’était révélé lors de la Quinzaine avec son moyen-métrage Du Soleil pour les gueux, sorte de western moderne, très inventif, que nous avions découvert en 2000 . Le cinéaste a depuis confirmé son talent (prix Jean Vigo en 2001 pour Ce vieux rêve qui bouge), et séduit également les quelques spectateurs qui ont pu voir ses derniers films en date, Pas de repos pour les braves en 2003 et Voici venue le temps en 2005. Alain Guiraudie est un cinéaste quasiment indéfinissable, dont chaque film est un véritable OFNI. Le cinéaste à convoqué pour son Roi de l’évasion la délicieuse Hafzia Herzi, cette jeune actrice découverte dans La Graine et le mulet de Kechiche et que l’on a revue depuis dans Un Homme et chien. On devrait être loin de la posture sèche et sans âme du film d’Huster. Alain Guiraudie livrera comme à son habitude un cinéma déluré, aux limites du surréalisme et son Roi de l’évasion n’aura aucun rapport avec le braqueur Antonio Ferrara. Guiraudie nous racontera plutôt l’histoire d’un paysan homo qui se laisse piégé par une passion autant inattendue qu’interdite, puisqu’avec une jeune fille de 16 ans…
Riad Sattouf nous est pour le moment totalement inconnu. Les Beaux gosses est son premier long-métrage et peut constituer une belle révélation. Le casting est en tous les cas de premier choix : Emmanuelle Devos (déjà présente à Cannes cette année dans deux films de la compétition officielles, ceux de Resnais et Giannoli), Valeria Golino, Noémie Lvovsky et Irène Jacob.
Le cinéaste japonais Nobuhiro Suwa est établit depuis quelques années déjà en France. Le cinéaste, originaire de Hiroshima, s’est révélé avec M/Other avant de réaliser avec Béatrice Dalle H Story, dans lequel il se met en scène en train de tourner son remake du film de Resnais Hiroshima mon amour. Depuis Nobuhiro Suwa a tourné à Paris et en français Un Couple Parfait, avec notamment Valeria Bruni Tedeschi et Bruno Todeschini. Mais cette fois, Nobuhiro Suwa s’est associé directement avec un français pour la réalisation de son nouveau film. Hyppolyte Girardot (revu récemment dans Espion(s) de Nicolas Saada) co-signe en effet avec Suwa Yuki et Nina, l’histoire à Paris de deux fillettes de dix ans, meilleures amies du monde, et qui se trouve appelées à être séparées lorsque la mère de l’une décide de rentrer dans son Japon natal.
II. Le cinéma québecois à l’honneur
Le cinéma québecois est souvent réduit au seul nom de Denys Arcand, une grossière erreur tant le cinéma québecois bouillonne depuis quelques années et arrive à nous faire parvenir quelques petits trésors. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si la Quinzaine des réalisateurs à retenu trois films québecois cette année.
Le porte-drapeau de cette délégation sera sans conteste Denis Villeneuve, cinéaste déjà connu des cinéphiles français avec Un 32 août sur Terre (avec Pascale Bussières) ou encore Maelström (avec Marie-Josée Croze). Villeneuve présentera à Cannes Polytechnique, un film qui reviendra sur la tuerie de l’école Polytechnique de Montréal en 1989. Le long-métrage, avec Karine Vanasse, une des stars actuelles du cinéma québecois, promet de mettre en émoi la Croisette.
Réalisateur des Etats nordiques (2006), Denis Côté présentera lui Carcasse tandis que le jeune Xavier Dolan-Tadros (20 ans), acteur aperçu notamment dans Martyrs de Pascal Laugier, montrera son premier long-métrage de cinéaste, J’ai tué ma mère.
III. Quelques pointures
On surveillera avec attention le nouveau film du portugais Pedro Costa, Ne change rien. Si la promesse du titre est tenue, il faut s’attendre à un très lourd morceau, à un cinéma particulièrement exigeant, radical même, à la fois austère et morbide. Pedro Costa est l’auteur de Ossos et d’En Avant Jeunesse.
Mise à jour : Ne Change rien est en fait un documentaire consacré au parcours de chanteuse de l’actrice française Jeanne Balibar. La rencontre entre ces deux personnalités du 7e art ne peut qu’intriguer…
Dans un style totalement différent, on retrouvera avec plaisir le nouveau film de Hong Sang Soo. Le coréen, auteur notamment de Night & Day et de Contes de cinéma, présentera Like You Know It All.
IV. L’asie
Le continent asiatique est encore une fois bien représenté Outre les films de Nobuhiro Suwa et d’Hong Sang Soo, les spectateurs de la Quizaine élargirons leurs horizons cinéphiles avec les premiers films de Tzu-nyen Ho (Here, Singapour) de Chan Fui (Chris) Chong (Karaoke, Malaisie), et de Liu Jiayin (Oxhide 2, Chine).
V. Etats-Unis
Le cinéma américain, on l’a déjà dit ailleurs, est exceptionellement peu représenté à Cannes cette année. On compte néanmoins quatre films US dans le line-up de la Quinzaine, dont un sera particulièrement à surveiller : I Love You Philip Morris de Glenn Ficarra et John Requa réunit notamment Jim Carrey et Erwan Mc Greggor, l’histoire d’un père de famille envoyé en prison et qui tombe amoureux de son codétenu.
Nous marquerons également notre attention sur Go Get Some Rosemary de Benny et Josh Safdie. Josh est l’auteur de The Pleasure of being Robbed, un film qui sortira dans les salles françaises mercredi prochain.
Egalement sélectionnés par la Quinzaine, le troisième long-métrage de cinéma (après We go way back en 2006 et My effortless Brilliance en 2008) de la réalisatrice Lynn Shelton, Humpday, une comédie avec Joshua Leonard ; mais aussi Amreeka, premier long de Cherien Dabis, une des scénaristes de la série L Word. Amreeka sera porté par l’actrice palestinienne Hiam Abbas.
VI. Le reste du monde
Nous ne développerons pas cette partie tant ces cinéastes nous sont pour le moment inconnus. Sont donc également sélectionnés pour la Quinzaine des réalisateurs 2009 :
La Merditude des Choses de Felix Van Groeningen (Belgique), Daniel Y Ana de Michel Franco (Mexique), Navidad de Sebastian Lelio (Chili), Eastern Plays de Kamen Kalev (Bulgarie) et La Pivellina de Tizza Covi et Rainer Frimmel (Autriche)
VII. Clôture
La Quinzaine s’achèvera avec la présentation de Ajami, premier film du duo israélo-palestinien de Scandar Copti et Yaron Shani.
B.T
- Quinzaine des réalisateurs 2009 : le line-up complet :
Sélection longs-métrages :
Ajami de Scandar Copti et Yaron Shani (Israël) * (clôture)
Amreeka de Cherien Dabis (Etats-Unis)
Les Beaux Gosses de Riad Sattouf (France) *
Carcasses de Denis Coté (Canada)
Daniel y Ana de Michel Franco (Mexique) *
Eastern Plays de Kamen Kalev (Bulgarie) *
La Famille Wolberg de Axelle Ropert (France) *
Go Get Some Rosemary de Benny et Josh Safdie (Etats-Unis)
Here de Tzu-Nyen Ho (Singapour) *
Humpday de Lynn Shelton (Etats-Unis)
I Love You Phillip Morris de Glenn Ficarra et John Requa (Etats-Unis)*
J’ai tué ma mère de Xavier Dolan (Canada) *
Jal Aljido Motamyunseo (aka Like You Know It All) de Hong Sangsoo (Corée du sud)
Karaoke de Chan Fui (Chris) Chong (Malaisie) *
La Merditude des choses de Felix Van Groeningen (Belgique)
Navidad de Sebastian Lelio (Chili)
Ne change rien de Pedro Costa (Portugal)
Oxhide II de Liu Jiayin (Chine)
La Pivellina de Tizza Covi et Rainer Frimmel (Autriche)
Polytechnique de Denis Villeneuve (Canada)
Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie (France)
La Terre de la folie de Luc Moullet (France)
Tetro de Francis Ford Coppola (Argentine, Espagne, Italie)
Yuki & Nina de Nobuhiro Suwa et Hippolyte Girardot (France, Japon)
* films concourrant à la Caméra d’Or
Sélection courts métrages :
A Repüles Története (aka The History of Aviation) de Balint Kenyeres (Hongrie)
American Minor de Charlie White (Etats-Unis)
Anna de Rúnar Runarsson (Danemark)
El ataque de los robots de Nebulosa-5 (aka The Attack of the Robots from Nebula-5) de
Chema Garcia Ibarra (Espagne)
Canção de amor e saúde (aka Chanson d’amour et de bonne santé/Song Of Love And
Health) de João Nicolau (Portugal, France)
Cicada de Amiel Courtin-Wilson (Australie)
Drömmar Från Skogen de Johannes Nyholm (Suède)
Dust Kid de Yumi Jung (République de Corée)
Les Fugitives de Guillaume Leiter (France)
Jagdfieber de Alessandro Comodin (Belgique)
John Wayne Hated Horses de Andrew Betzer (Etats-Unis)
Nice de Maud Alpi (France)
SuperBarroco de Renata Pinheiro (Brésil)
Thermidor de Virgil Vernier (France)
Séance spéciale :
Montparnasse de Mikhaël Hers (France)
Riad Sattouf est certes un inconnu cinématographiquement parlant, mais est l’un des auteurs de bande dessinée à suivre en ce moment, grâce à ses héros Jérémie et Pascal Brutal, à La Vie Sexuelle des Jeunes (à l’origine destiné à Charlie Hebdo et dont un recueil est sorti l’année dernière) et Retour au Collège (qui a, je crois, inspiré son film).
Heureux, en tout cas, de voir la présence de ces deux films québécois (surtout celui de Denis Villeneuve).
Merci pour la précision