Une jeune mère et son fils de sept ans vivent sans domicile fixe. Ils dorment sur des cartons mais ne traînent pas leur misère. Nina, la maman, est une battante, une écorchée vive que la vie à laissé à la marge. Elle continue néanmoins de croire, de rêver, pour elle et plus sûrement pour Enzo, ce petit au visage d’ange et sage comme une image. Nina découpe un article lu dans un journal gratuit. « Le chômage n’est pas une fatalité ». Sans doute un brin démago, l’article est quand même la lueur à laquelle va s’accrocher Nina. Elle rencontre bientôt Damien, un mec brisé mais pas con. Il connaît la loi. Il la connait parce qu’il sort de prison. Damien a trouvé une certaine tranquillité dans une cabane aménagée dans le bois tout près du château de Versailles. La rencontre entre Nina et Damien sera déterminante pour Enzo.
« Fais-moi confiance ». Cette réplique qui reviens comme un leitmotiv dans le film, on a envie de vous l’adresser. Les films sur l’exclusion ne sont de fait pas très clinquants, pas très attractif, mais vous auriez tord, infiniment tord de snober celui-ci. La trajectoire de ces exclus n’a rien de misérabiliste. C’est même tout le contraire : l’histoire de personnages abîmés, un peu résignés, mais qui se lèvent, se battent parce que la lumière après les ténèbres est encore possible. Versailles, c’est un chemin vers la lumière. Evidemment, ces exclus ne seront jamais plus roi que le roi. Le Château de Versailles, on ne le voit presque qu’en décor, un peu à la manière de l’affiche. Derrière la misère, l’opulence et le luxe. Il s’agit bien là d’une des contradictions les plus cinglantes de nos sociétés. La France n’est pas exceptionnelle de ce point de vue et, la société à beau être l’une des plus riches, certains sont sur le carreaux.
Enzo lui n’est qu’un petit ange déchu. Il suit sa mère dans son parcours chaotique, il a peur du vent ; que ce vent l’emporte au ciel. Enzo ne parle quasiment jamais, sinon la nuit pour tendre la main et réclamer que sa mère la lui tienne. Le destin d’Enzo va basculer à un moment donné et les évènements s’enchaîneront de telles manières que la cruauté dont il sera la victime sera immense. Heureusement, Enzo n’est pas seul, on le protège.
Le film de Pierre Schoeller (premier film pour le cinéma mais déjà scénariste du très généreux Quand tu descendras du ciel d’Eric Guirado, sur le même thème) est impressionnant de richesse d’âme, de sensibilité. On pourrait craindre un film profondément politique, démago. Il y a un côté enragé certes, qui tient d’abord à l’interprétation à fleur de peau des acteurs, Guillaume Depardieu en tête. Judith Chemla est elle une belle révélation, avec ses yeux ronds immenses comme ceux de Zooey Deschannel. La rage est néanmoins parfaitement contenue. Ce qui intéresse Pierre Schoeller, c’est le parcours humain de ces personnages. Ils sont les victimes d’un système mais le film n’est pas la critique de ce système.
Le système, plusieurs fois tend la main et empêche les gens de se noyer. Les réponses données peuvent être insuffisantes mais chacun raisonne de manière sensée. Il n’est pas facile de tenir cet équilibre car on pourrait très bien basculer dans quelque chose de parfaitement faux, avec le clochard qui devient roi parce que le roi lui laisse son fauteuil. On n’est pas du tout dans ce registre. Juste Versailles est un film dont les personnages ont de l’espoir et, bien que le film soit profondément noir, cet espoir ils y resteront toujours accrochés. C’est tellement nécessaire. Nina et Damien ne sont pas seuls en jeu. Enzo est tombé du ciel, il n’a rien demandé à personne, et c’est pour lui que tout doit être fait pour trouver un peu de lumière.
Il y a une scène absolument magique ou Enzo trouve Damien suffoquant. Enzo court à travers les bois, traverse imprudemment la route, grimpe un escalier majestueux, traverse la cour du château de Versailles et rentre à l’intérieur. Ce petit bonhomme pouilleux et naïf vient chercher de l’aide auprès du valet du Roi. Enzo est comme tous les autres gamins, il écoute et retiens les histoires que les adultes lui content. Cette scène possède un souffle, un lyrisme, c’est une fulgurance. Elle est parfaitement symbolique du chemin qu’emprunte les personnages pour revenir à la lumière, parfaitement symbolique des montagnes qu’il, faut graver, de la quête d’un idéal inaccessible, d’une naïveté qui est un moteur.
Faites nous confiance, allez voir Versailles. Le film est si beau, si riche, oui, et tellement touchant. Le personnage d’Enzo, un peu le même que celui du Kid avec Charlot, le vaut bien.
Benoît Thevenin
Versailles – Note pour ce film :
Si je devais résumer ce film en un mot, ce serait : touchant.
Je suis tombée dans le piège d’Enzo et ses yeux ronds, et je n’ai pu décrocher sa route vers « la lumière » comme tu as si bien dit.