L’Armée silencieuse (Wit licht) de Jean van de Velde (2009)

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Il y a tout juste un an, la section Un Certain Regard du Festival de Cannes accueillais « Johnny Mad Dog », impressionnant long-métrage consacré aux enfants-soldats enrôlés dans les guerres africaines. Cette année, sur le même sujet, « L’armée silencieuse » lui  dans cette même section cannoise.

Jean-Stéphane Sauvaire avait choisit une approche brutale, sans concession avec son Johnny Mad Dog. La mise en scène immersive et réaliste donnait de la force à un film spectaculaire, choquant sur certains aspects, et qui se ressentais comme un grand coup de poing. Le cinéaste néerlandais Jean van de Velde (rien à voir avec le golfeur) s’attaque à la même problématique, mais d’un point de vue romancé, ce qui ne l’empêche pas d’injecter des idées et un discours sur ce sujet complexe et révolant.

Edouard est restaurateur dans un pays africain. Il vit avec son épouse et son jeune fils Thomas en nantis. Thomas a comme meilleur amis un garçon africain de son âge, Abu. Les deux enfants jouent à la guerre par playstation interposées avec, comme symbole du monde qui sépare les deux enfants, cette manette sculptée dans le bois qu’Abu apporte un jour. La maman de Thomas décède dans un accident de la route et quelques temps après une guerre civile éclate. Le village ou vivent les enfants et attaqué par les rebelles et Abu est enrôlé de force dans l’armée du commandant.

Dans sa première partie, L’armée silencieuse ne nous épargne aucun poncif du genre avec des moments supposés être forts mais déjà vu, notamment dans Johnny Mad Dogs. Le film de Jean van de Velde ne soutient d’abord pas la comparaison. Abu est forcé de couper la tête de son père et cette scène n’a pas la même intensité que la séquence équivalente dans le film de Sauvaire. Jean van de Velde montre la réalité de la guerre, mais esquive en permanence sa représentation. Nous spectateurs somme comme maintenus à distance, d’autant que l’histoire parallèle concernant la famille de Thomas noie un peu le récit dans une espèce de mièvrerie inapropriée. Ceci n’est qu’une impression dans l’instant car tout finira par prendre sens dans le déroulement de l’intrigue.

L’armée silencieuse, ca peut être African Children Rescue, cette ONG qui tente de sauver les enfants africains de l’horreur qu’on leur impose. Suite à l’attaque du village, le jeune Thomas n’a qu’une volonté, retrouver coûte que coûte son ami Abu. Son père est d’abord résigné à l’idée que le pauvre est soit mort, soit aux mains d’un groupuscule contre qui il ne peut rien. Edouard, pour son fils, se doit pourtant d’agir, ce qui l’amènera a solliciter l’aide d’ACR.

Le film accumule les clichés et les bons sentiments mais la démarche n’est pas vaine. Au contraire elle est courageuse car le film finit par s’aventurer sur un terrain dangereux, ou en tout cas inédit. L’armée silencieuse, c’est aussi celle de ses enfants-soldats qui sont réduits au silence face à l’emprise diabolique d’un commandant charismatique. Le film décrit quelque peu le conditionnement dont sont victimes les enfants, comment le chef de guerre se comporte à la fois en gourou, en père protecteur (il se fait appeler Daddy), et en tyran diabolique pour imposer son emprise et son respect.

Ce personnage du chef de guerre est fascinant et central. C’est par lui que le film trouve son véritable intérêt. Si la guerre le désigne vainqueur, il sera président. En l’occurence, il a déjà la stature, l’étoffe et la rhétorique. Son discours ultra cynique à quelque chose de très persuasif. Le coupable qu’il désigne est bien sûr le monde occidental. L’homme blanc est celui qui instrumentalise la guerre, la permet, en même temps qu’on nous renvoie à la figure le fait que les morts africaines ne nous touchent pas ou si peu.
L’armée silencieuse est un cousin un peu pauvre (dans les moyens déployés) des entreprises hollywoodienne telles Blood Diamond. Le film n’a cependant rien à envier, applique de la même manière une narration très classique, très romancée au bénéfice d’un propos noble et qui trouve une profondeur inédite dans le cynisme absolu du chef rebelle. L’armée silencieuse n’a pas le même impact brut que Johnny Mad Dog mais permet un véritable début de réflexion sur ce douloureux sujet.

Benoît Thevenin


L’Armée silencieuse – Note pour ce film :


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