Portrait désenchanté d’une jeunesse qui se cherche, « Eastern Plays » est le premier film du cinéaste bulgare Kamen Kalev.
Le film suit la trajectoire de deux frères. L’un (Itso) se veut artiste mais travaille dans un petit magasin pour gagner un peu d’argent. Son cadet (Georgi) se laisse embrigader dans un groupuscule néo-nazi. Les deux frères se voient peu, mais leurs trajectoires finissent par entrer en collision. Une famille d’immigrés turcs est violemment agressée dans la rue. Georgi fait partie des agresseurs tandis qu’Itso intervient lui pour défendre les victimes…
Eastern Plays est un portrait désenchanté et quelque peu alarmant de la jeunesse bulgare. Comme dans beaucoup d’endroits dans le monde, la jeunesse sofiote s’ennuie et se cherche, mais le contexte est ici particulièrement malsain. Le cinéaste évoque, même si seulement en surface, une montrée du fascisme dans les rues de Sofia, ainsi qu’une instrumentalisation de ses leaders par le pouvoir politique en place. Cela ne constitue que la toile de fond du film mais elle rend compte du climat délétère qui règne.
Kamen Kalev concentre la plus grosse part du film sur la relation qui se tisse progressivement entre Itso est les membres de la famille agressée, la fille plus précisément. Quelque chose de l’ordre des sentiments amoureux est en train de naître mais les personnages restent pudiques. Cela tient à deux choses : l’influence de la famille qui voit d’un très mauvais oeil la fille s’amouracher d’un bulgare, mais aussi le comportement très nonchalant d’Itso vis à vis des femmes. Une ancienne petite amie le supplie d’ailleurs de la laisser revenir près de lui. Il la méprise alors même qu’il commence à envisager une autre histoire.
Cette histoire entre Itso et la lumineuse Isil est particulièrement attachante. On comprend en revanche moins ce qui définit la relation entre les deux frères. Itso ne réagit d’aucune manière à la forfaiture de son frère, ce dont il a été un témoin direct. Cette indifférence est assez troublante.
Eastern Plays est un petit film fragile mais qui témoigne tout de même d’un certain talent de metteur en scène. Les nouvelles du cinéma bulgare sont rarissimes, on apprécie alors d’autant plus de voir émerger quelqu’un qui affiche déjà une belle maturité de cinéaste. On retrouve en plus deux actrices déjà vues ailleurs. On avait découvert la sublime Saadet Isil Aksoy dans Yumurta de Semih Kaplanoğlu et on est ravi de la revoir ici, toujours aussi radieuse et rafraîchissante. Dans le rôle de sa mère Hatice Aslan, que l’on avait déjà vu dans Les Trois Singes de Nuri Bilge Ceylan.
Benoît Thevenin
Eastern Plays – Note pour ce film :
Juste une chose à dire sur le prénom du personnage, qui s’écrirait précisément ışıl (i sans point, s cédille, i sans point, l) : difficile à traduire. Frais / lumineux / brillant / reflet / radiant / irradiant / étincelant. Peut-être une lumière froide plutôt qu’une lumière chaude, peut-être la lumière diffractée par une goutte de rosée.
C’est ce que m’évoque la photo qui illustre cet article, et ce qui est évoqué par « la lumineuse Isil », donc bien vu.
J’aimerais bien voir ce film !
Je vous invite également à lire la critique du film sur notre blog collectif « Le Pont du 7e art » et à nous donner votre avis
http://pontdu7eart.wordpress.com/2010/04/14/%C2%AB-eastern-plays-%C2%BB-a-l%E2%80%99est-rien-de-nouveau/