La froide orchestration du génocide bosniaque par un jeune cinéaste serbe, ex-élève de la Femis, et qui signe là son premier long-métrage.
Le dortoir d’une caserne militaire. Les soldats se lèvent puis montent bientôt dans un bus qui les conduit vers un endroit inconnu. L’histoire est vue à travers les yeux du plus jeune soldat de la division, un gamin d’une vingtaine d’année. Le bus arrive à bon port, un endroit isolé à la campagne. Les soldats attendent sous le cagnard puis un autre bus arrive. Des prisonniers bosniaques descendent qui seront immédiatement exécutés par les soldats serbes.
Vladimir Perisic n’a pas participé à la guerre dans l’ex-yougoslavie, mais il aurait pu être Dzoni, ce jeune soldat par lequel il raconte cette histoire. Le cinéaste montre ce qui est une véritable entreprise de la mort, sans parti-pris de romance, de spectaculaire, d’héroïsme. Ordinary People se déroule l’espace d’une journée et tout le travail du réalisateur consiste à banaliser ce qui est montré comme si cela faisait partie intégrante d’une routine dont nous serions l’espace d’un temps les témoins. Et ce n’est pas « comme si », c’est exactement ça.
Les soldats serbes sont des gens ordinaires et les bourreaux d’ennemis qui sont eux aussi des gens ordinaires. Le film est cinglant par la façon dont il évoque cette tragédie. Ordinary People se déroule selon une logique de temps réel. Cela équivaut à dire que le cinéaste insiste à montrer les scènes dans leur accomplissement total. C’est en adoptant ce schéma narratif, que le cinéaste nous fait ressentir l’extrême cruauté qui se joue. On ressent chacunes des durées, que ce soit le voyage en bus, l’attente sous le cagnard, les poses cigarettes et on ne peut que mettre en rapport ses durées là avec l’instant très bref des mises à mort.
Vladimir Perisic met en scène ces évènements sans aucune complaisance, avec une certaine retenue et c’est ce qui fait encore plus froid dans le dos. Le film évoque de manière subliminale, par les informations diffusées par une radio, par le simple croisement de deux bus, par la discussion entre deux chefs d’états majors, a quel point cette journée là de ses quelques hommes s’inscrit dans un processus élargit qui implique des milliers d’autres hommes, tous si ordinaires. La froide évocation du génocide bosniaque par Vladimir Perisic n’en est que d’autant plus effrayante.
Benoît Thevenin
Ordinary People – Note pour ce film :