Caméra d’Or à Cannes en 2004 avec « Mon Trésor », Keren Yedaya réunit de nouveau Ronit Elkabetz et Dana Ivgy dans « Jaffa », son nouveau drame intimiste
A Jaffa, une famille israélienne. Le père dirige un garage, emploie son fils mais aussi un père palestinien et le sien de fils. Ce dernier entretient une relation amoureuse secrète avec la fille du garagiste…
Dans Mon Trésor, Keren Yedaya évoquait la prostitution à travers un drame intime très fortement mélodramatique et qui permettait à Ronit Elkabetz de livrer une vraie performance d’actrice. On est là dans un registre similaire, la tendance est toujours au mélo et Ronit Elkabetz a encore droit a quelques scènes familiales intenses et qui tendent à une très forte emotivité.
Ronit Elkabetz est pourtant quelque peu reléguée au second plan de cette intrigue, malgré les apparence car c’est principalement son personnage qui donne de la voix. Les scènes de disputes avec son fils son même particulièrement saisissantes.
Mais comme le révèle l’affiche du film, le premier rôle revient à Dana Ivgy, laquelle incarnait déjà la fille de Ronit Elkabetz dans Mon Trésor. La jeune actrice a un rôle quasi mutique, tout en réserve, mais elle excelle quand même pour nous faire ressentir la force de ses émotions contenues. Son personnage est à la fois réservé mais est aussi le catalyseur de cette histoire.
La mise en scène épouse le propos : une caméra discrète mais toujours en position explicitement voyeuriste. La caméra s’impose discrètement dans l’intimité des personnages et traque ce qui se passe dans les coins cachés avec cette utilisation récurrente mais subtile du zoom avant.
Tout le film est aussi symboliquement contenu dans le premier et le dernier plan, une photo dans les deux cas, ou plutôt une image figée. En ouverture, Keren Yedaya nous montre Jaffa depuis la mer et pour la conclusion, le contre-champ avec une vue sur cette même mer jusqu’à l’horizon. Cela induit la trajectoire des personnages. Ils font d’abord partie de Jaffa, leurs vies, leurs histoires sont là, dans cette ville cosmopolite un peu particulière par rapport Jérusalem ou Tel-Aviv ; une ville pleine de contradictions et qu’il faudra fuire sous la pression des évènements. L’avenir est ailleurs, autre part que Jaffa, sans ceux que l’héroïne a aimé. En tous cas, la voila libre de choisir la vie qu’elle veut mener. On tourne le dos à Jaffa et on regarde loin devant.
Benoît Thevenin
Jaffa – Note pour ce film :