Public Enemies de Michael Mann (2009)

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« Moi, un de mes potes m’a dit, il ne faut pas t’attacher à des choses dont tu ne peux pas te débarrasser en deux secondes montre en main si les flics se ramenaient dans le coin ». Cette réplique est adressée par Neil McCauley au Lieutenant Hanna dans Heat, réalisé par Michael Mann en 1995. Ce conseil a peut-être été prodigué au personnage  joué par De Niro par John Dillinger, ce grand bandit qui défraya la chronique aux Etats-Unis au début des années 30 pour ses talents de braqueur et pour échapper à la Police. Dans Heat, McCauley n’est pas le dernier sentimental, mais la passion qu’il peut éprouver, elle passe au second plan tant sa carrière criminelle le pousse à une vigilance de tous les instants et à une vie marginale. Peut-être alors oui McCauley a apprit de Dillinger qu’il ne fallait surtout pas s’attacher à une femme, puisque lui s’est laissé piéger par sa noblesse sentimentale. Par rapport au froid réalisme de McCauley, sa précision de métronome dans son entreprise du crime, Dillinger parait insouciant, présomptueux et même satisfait de ce qui se joue et s’orchestre autour de lui.

Relier Public Enemies à Heat pourrait être une hérésie mais les deux films, s’ils sont très différents l’un de l’autre, se répondent admirablement. Les scènes de fusillades sont à mettre en parallèles, et on retrouve quantité de plans communs. Une plongée depuis un toit pour observer une cible, la scène ou Johnny Depp fait son adieu à Marion Cotillard qui est d’une certaine manière à l’identique du dernier au-revoir de De Niro à Amy Brenneman dans Heat, etc.

Ne nous attardons néanmoins pas trop sur la comparaison entre les deux films. Ils seront nombreux ceux à la faire de toutes les manières et ce n’est pas ce qui nourrit principalement l’intérêt pour ce long-métrage.

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On a l’habitude de dire, lorsque l’on évoque la carrière de Michael Mann, que la figure du héros solitaire est commune à toute son oeuvre. C’est vrai, mais seulement parce que le cinéma de Michael Mann est d’abord est surtout un cinéma de face à face, d’affrontement. Souvent, les personnages sont contraints de s’isoler pour lutter correctement, mais la solitude des personnages de Mann n’est pas l’ingrédient essentiel de son travail, elle est juste une conséquence. Vous vous apercevrez que presque toujours les films de Michael Mann se nouent autour d’une table, avec deux personnages filmés en champ/contre-champ. C’est par exemple le cas dans Le Solitaire, dans Heat et dans Révélation. C’est encore le cas ici, même si la table ne séparera là que Dillinger et Billie (Marion Cotillard). Voila un indice de ce qui fait la substance de Public Enemies car au delà de l’affrontement policier, la relation sentimentale qui se construit au même moment est absolument décisive.

Il y a tout de même une opposition évidemment directe entre Dillinger et la Police dans Public Enemies, récit crépusculaire du gangstérisme flamboyant des années 30. Dillinger et sa némésis Melvin Purvis (Christian Bale) sont des héros dans leurs genres qui sont plutôt entourés. Pour Purvis, c’est quand même très relatif et s’il est un solitaire dans cette histoire, c’est bien lui. Pour autant, Michael Mann ne conte cette fois aucune solitude. L’histoire de Public Enemies est emprunte d’un sentimentalisme assez étonnant, pas seulement dans la relation qui unit Dillinger à Billie (Marion Cotillard) mais aussi dans ce que l’on croit percevoir un petit peu aussi dans ce qui se tisse à distance entre Dillinger et Purvis, notamment dans cette séquence surréaliste ou Dillinger « visite » le QG de ses ennemis.

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Public Enemies est un récit crépusculaire pas seulement parce qu’il raconte la fin d’un grand bandit (je ne trahis rien, c’est le pitch du film) mais parce que cette histoire s’intègre à un contexte ou les chemins s’entrecroisent : la fin de la prohibition, cette période de l’âge d’or de la pègre et ce moment ou le FBI et les agences gouvernementales semblent reprendre la main par rapport aux criminels.

Mis en scène par Michael Mann, cette collision prend une ampleur assez fascinante. Même si tous les ingrédients des films de Michael Mann sont réunis, le cinéaste ne se répète pas vraiment. Les scènes de fusillades élèvent immédiatement le métrage mais dans un style différent de ce que l’on a pu voir dans ses autres oeuves, notamment Heat puisque ce film là en particulier fait référence en la matière. Dans Public Enemies on assiste à d’autres moments de bravoure et en cela d’ailleurs, la dernière demi-heure  est absolument magistrale, avec des séquences d’une force incroyables et qui s’enchaîne jusqu’à la conclusion, simple, minimaliste, mais bouleversante. Cette demi-heure là commence par une fusillade incroyable, superbement montée et qui à en plus un cachet très particulier du fait de la flamme qui surgit à chaque détonation des fusils des uns et des autres. S’ensuit une impressionnante course-poursuite puis la séquence quasi-finale, filmée entièrement au ralenti et qui n’est rien de moins que l’une des plus impressionnante exécution jamais vue au cinéma.
Avant cette vertigineuse fin, on doit confesser un certain essoufflement de l’intrigue vers le milieu, encore que… L’histoire est somptueusement menée, avec un sens du rythme indéniable et sans digression pour alourdir l’ensemble. Non vraiment, c’est du très grand travail, et c’est un Michael Mann particulièrement en forme que l’on retrouve là. Son ambition formelle est peut-être moins prégnante dans l’instant mais sa maestria reste manifeste quand même, malgré le recours – de nouveau mais seulement ponctuellement – au DV qui ne nous convainc toujours pas. Surtout cette maestria n’est pas simple esbroufe mais, au contraire, au service de l’histoire et des personnages.
Ce n’est pas le meilleur film de Michael Mann – ça c’est possible – mais c’est pour sûr un de sommets de cette année.

Benoît Thevenin


Public Enemies – Note pour ce film :

Sortie française le 8 juillet 2009

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6 commentaires sur “Public Enemies de Michael Mann (2009)”

  1. nynii dit :

    t troOoO bOoOOoO johnny depp

  2. Axel dit :

    Johnny Depp est toujours aussi impressionnant de précision, Christian Bale beaucoup moins transparent et irritant que dans Terminator 4, la visite de Dillinger dans le bureau du FBI restera dans les annales…
    Des images restent dans la mémoire, des jours après la vision de ce film. Assurément un de grands films de cet été.

  3. Benoît Thevenin dit :

    Le visage hermétique de Christian Bale me dérange moins ici, moi aussi. Je trouve que ça va avec le rôle.

  4. selenie dit :

    Très heureux de lire une critique bonne avec laquelle je ne crie pas à l’incompréhension. Je viens d’écrire deux commentaires afin de défendre « Public Enemies »… Avec toi je me sens moins seul !… Même si je rajoute une étoile !

  5. MaG dit :

    Johnny Depp est comme d’habitude … très très bien ! et je me modère …

    mais, car il y a un mais … ce film n’a tout de même laissée sur ma faim

    il lui manque le « je ne sais quoi qui » …..

    voilà quoi

  6. Raoul dit :

    D’accord avec Benoit, un très grand film, je vais d’ailleurs me le refaire.

    Je pense que Mann fait un beau boulot, mais!! Pour moi il y a erreur de casting, et c’est peut-être ce qui fait que ce n’est pas son meilleur film.

    Nan mais que vient faire Depp en ennemi public N°1????!! Le doux, le gentil Depp! Eh oh vous voyez les zigotos qu’il fallait tenir en laisse quand on est chef de bande? Vous croyez une seconde à Depp tenant en laisse baby face Nelson? Non pour moi il y a un problème. Oui mais Dillinger n’était pas qu’une brute me direz vous! Très bien! Mais il y a des acteurs mi doux mi brutes (Tom Hardy par exemple!) et bien d’autres! Mais la pardon vous donnez un acteur qui est dans nos esprits un gentil et presque un enfant, dans la peau d’un grand gangster. Eh bien je dis non.

    Et pour moi ça gâche le film…

    Qu’en pensez vous?

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