Hunger de Steve McQueen (2008)

Le conflit entre la Grande-Bretagne et l’IRA aura inspiré quelques films inoubliables, Au nom du père en tête. Préparez-vous avec Hunger à un choc comparable. Présenté cette année en ouverture de la section Un Certain Regard à Cannes, Hunger est le premier long-métrage de cinéma du plasticien britannique Steve McQueen. L’homonymie du réalisateur avec l’un des acteurs cultes de l’Histoire du cinéma obligeait déjà à une certaine curiosité. Elle est vite dépassée par le film lui-même, son intérêt, la force et l’émotion qu’il dégage. Avec Hunger, et on a pas peur de s’engager sur le sujet, on vous garanti que Steve McQueen trouve déjà une place de choix dans l’Histoire du Septième art. Mais qu’est-ce qui fait qu’Hunger puisse être un film majeur ?

Le sujet est difficile : les grèves de la faim de prisonniers de l’IRA au début des années 80. Ce qui est d’abord impressionnant c’est cette façon qu’a le cinéaste de n’épargner aucune douleur, aucune violence mais avec un regard tel que le spectateur n’est qu’interrogé, peut-être choqué, mais jamais repoussé dans ses retranchements. Steve McQueen a trouvé l’exact juste-milieu pour raconter cette histoire et ce n’est pas si évident à décrire. Certain reprocheront peut-être au cinéaste de faire de l’art en se servant de ce contexte humain intolérable. La forme est sublime, oui, mais adaptée au propos. Le film est impressionnant visuellement sans pour autant que la mise en scène soit tape à l’oeil, prétentieuse ou quoique ce soit du même ordre. Cette mise en scène est forte parce que subtile, sensible, discrète.

Hunger, pour être plus précis, raconte le combat singulier de Bobby Sands, un militant de l’IRA initiateur des grèves de la faim et décédé en martyr. Pour incarner Bobby Sands un acteur encore méconnu, Michael Fassbender vu récemment dans Eden Lake, film de série B insignifiant. L’implication de Michael Fassbender dans son rôle est juste sidérante.

Le point de rencontre clé entre le regard de Steve McQueen tel que nous l’avons décrit et l’incarnation de Bobby Sands par Michael Fassbender se trouve dans l’hallucinante séquence centrale du film : un plan-séquence fixe de 22 minutes à vous glacer le sang. Cette séquence est pourtant dès plus simple dans son dispositif : une table et deux personnages en face à face. La séquence est clée car elle pose tout l’enjeu intellectuel lié à cette grève de la faim. Le débat oppose un prêtre à Bobby Sands avec en point d’orgue cet inéluctable choix de poursuivre le combat jusqu’au bout, jusqu’à la mort. La problématique humaine est soudée à la problématique politique et ne peut qu’interpeller. On aurait vite fait, d’autant plus que l’on a du recul par rapport à cette histoire et encore plus parce que l’on n’est ni anglais ni irlandais, de prendre parti pour l’humain avant-tout. C’est inévitable et on ne l’évite pas. Le point d’équilibre, c’est Steve McQueen qui le trouve, sans parti-pris ni démagogie.

Pourtant, le point d’équilibre était sur le papier impossible à tenir. Steve McQueen y parvient et on ne sait toujours pas comment. On ne le sait pas car le film se poursuit sur la lente et insoutenable dégradation physique que subit le corps de Bobby Sands. Le regard du spectateur est là mis à l’épreuve mais Steve McQueen, sans doute du fait de son expérience unique de plasticien reconnu trouve la distanciation juste, et évite de fait tout pathos, tout misérabilisme.

Ce qui choque le plus dans ce film, ce sont les injustices et les violences que subissent les prisonniers dans cette prison. Hunger est un film indispensable pour toutes les questions qu’il pose au spectateur ; indispensable aussi pour ses qualités plastiques. Indispensable et impressionnant, notamment pour la performance proprement sidérante de Michael Fassbender. Souvenez-vous de l’effrayante prestation de Christian Bale dans The Machinist… Fassbender repousse les limites plus loin encore, s’est probablement mis en danger avec ce rôle, et pourtant on n’est pas horrifié mais seulement étrangement fasciné. Le scandale est ailleurs.

Benoît Thevenin


Hunger – Note pour ce film :

Sortie française le 26 novembre 2008


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