La Forteresse Noire (The Keep) de Michael Mann (1984)

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Michael Mann s’est révélé immédiatement un cinéaste de grand talent. Son premier film de cinéma, « Le Solitaire » (81), reste à ce jour l’une de ses plus grandes réussites. Deux ans après, en 1983, Michael Mann sort son second long-métrage, un film fantastique tourné pour le compte de la Paramount. « La Forteresse Noire » est son film maudit mais une oeuvre diablement efficace…

L’engouement que suscite aujourd’hui le cinéma de Michael Mann, sa place dans le cinéma américain contemporain, peut nous permettre de croire en une issue positive concernant ce film. La Forteresse Noire n’est toujours pas édité en DVD et les copies existantes, dont celle qui sera présentée à la Cinémathèque les 10 et 19 juillet, sont celles de la version courte du film. Le montage initial proposé par le cinéaste durait un peu plus de trois heure contre 1h30 en l’état actuel.

La Forteresse Noire occupe donc une place très à part dans la filmographie de Michael Mann. Le cinéaste est essentiellement connu pour ses films urbains, bien que Ali et Le Derniers des Mohicans ne rentrent déjà pas dans cette catégorie. Et il y a donc aussi La Forteresse Noire, long-métrage fantastique adapté du roman de Francis Paul Wilson, Le Donjon.

L’histoire se déroule dans un village isolé de Roumanie, en plein coeur de la Seconde Guerre mondiale, au plus fort de la domination nazie. Une troupe de soldats allemands prend possession d’une étrange forteresse, bâtie curieusement car apparemment pas conçue pour prévenir une attaque extérieure. Le gardien de la forteresse met en garde les soldats contre une présence maléfique. 108 croix en nickel sont également fixées aux murs. Les soldats en détachent une, pensant qu’elle est en argent, mais libèrent malgré eux une créature. Rapidement, quelques soldats meurent. Le chef d’état major cherche à comprendre ce qui se passe et bientôt une inscription est découverte. Le capitaine nazi se trouve alors contraint de faire venir un professeur juif retenu prisonnier dans un camp avec sa fille. Il sera la clé de ce mystère…

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La Forteresse Noire n’est pas seulement un film maudit du fait de ce montage imposé par la Paramount. Michael Mann a également du terminer son film sans Wally Veevers, son responsable des effets-spéciaux, lequel est décédé pendant le tournage. Du reste, les effets-spéciaux, qui seraient de toutes les façons dépassés aujourd’hui, paraissent maintenant grotesques. C’est un talon d’Achille, sinon LE talon d’Achille d’un film par ailleurs beaucoup plus intéressant que ce que la rumeur pourrait nous faire croire.

Michael Mann avait déjà prouvé avec Le Solitaire qu’il sait filmer. Sa maîtrise formelle est tout autant manifeste ici. La composition des plans, la photo signée Alex Thomson (lequel a également travaillé sur Excalibur, Labyrinth, Legend ou encore Hamlet), tout ce travail qui nous renvoie à l’expressionnisme allemand participe d’une ambiance onirique et envoûtante renforcée en plus par la partition new age du groupe allemand Tangerine Dream, avec qui Mann avait déjà travaillé pour Le Solitaire.

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Mais on ne peut que constater que pour ses raisons même, le film a considérablement pris un coup de vieux. Il y a un côté kitsh dans la mise en scène de Michael Mann, lequel recourt par exemple abusivement à des ralentis. On a comme l’impression de voir un film qui concentre tous les clichés esthétiques des clips des années 80. La bande originale renforce évidemment cette impression mais c’est là un faux-procès. La Forteresse Noire a peut-être mal vieilli mais reste une oeuvre pleinement maîtrisée d’un point de vue formel et qui conserve intacte son charme noir et ensorcelant.

L’histoire est elle-même fascinante. Le film pourrait se résumer à une lutte entre le bien et le mal sauf que le contenu est tout sauf manichéen. La Forteresse noire est un film riche, troublant, qui tend autant à des figures horrifiques qu’à des conflits moraux. Le film ne se résume pas à une lutte entre le bien et le mal mais navigue continuellement entre ses deux notions. Les bourreaux nazis se révèlent des victimes. Le martyr juif pactise tel Faust et devient une incarnation du Diable. Et en même temps, les dualités arrivent à fusionner, notamment dans ce qui est la grande scène sensuelle du film.

La Forteresse Noire est un grand film ambigu, étrange, avec plusieurs niveaux de lectures. Pour le spectateur d’aujourd’hui, La Forteresse noire est à rapprocher du Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, autre film qui mélange brillamment les figures nazies avec un contenu fortement symbolique qui tend vers l’horreur. Comme Le Labyrinthe de Pan, La Forteresse Noire est une fable, un conte de fée sombre et au potentiel effrayant évident.

Il est important de redécouvrir La Forteresse Noire, même dans sa version amputée de moitié par rapport au montage initial du cinéaste. Les parisiens ont une chance incroyable, ils pourront (re)découvrir ce film sur grand écran, à la Cinémathèque Française les 10 et 19 juillet, dans le cadre de la rétrospective consacrée au cinéaste.

Benoît Thevenin


La Forteresse Noire – Note pour ce film :

Sortie française le 2 mai 1984

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Aucun commentaire sur “La Forteresse Noire (The Keep) de Michael Mann (1984)”

  1. Foxart dit :

    Un film qui m’avait tellement enthousiasmé à l’époque !!!
    Et totalement invisible depuis, et introuvable en DVD…
    Peut-être que cette rétro fera réagir certains éditeurs…

  2. Systool dit :

    Mine de rien, j’aime bien Michael Mann… il a sa « patte »… et je découvre cette Forteresse Noire…

    Merci

    SysTooL

  3. Vlad dit :

    Coucou,

    J’ai été voir ce film à la cinémathèque aussi. J’ai bien aimé le film mais bon on sens que ce n’est pas la version que le cinéaste voulait. Les coupes effectué par le studio ont été très maladroite et on sens que de nombreuses scènes indispensable au site ont été zappé. C’est dommage j’espère qu’un jour la version director’s cut sera accessible.

    Vlad

  4. Lion dit :

    Je suis entièrement d’accord avec le point de vue critique (dommage de faire autant de fautes d’orthographe). Espérons que la version longue durée sera dispo dans peu de temps. Il faut y croire puisque de toutes façons cela devient une mode. Un film qui m’a enthousiasmé, même si les trucages sont dépassés, on pourrait les considérer d’un autre temps, d’un autre monde.

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