Connu pour son rôle de François le facteur, héros de quelques uns de ses premiers films et notamment Jour de Fête, Jacques Tati souhaite en 1953 insuffler un souffle nouveau à son cinéma, porter son art avec une plus haute ambition encore que son seul sens de la comédie et du burlesque. C’est ainsi qu’apparaît cette année là Monsieur Hulot, un curieux personnage qui semble tombé de la Lune. Sa démarche unique en son genre, ses longues jambes, son dos un peu courbé, son imper’, ses bras replié en aileron, son petit chapeau et sa pipe, seront bientôt familiers de tous les spectateurs. Jacques Tati est en train de fabriquer un personnage merveilleux, drôlatique et qui marquera l’Histoire du cinéma. Ne dit-on pas aujourd’hui que la pipe de Mr Hulot est légendaire ?
La légende de ce personnage, Jacques Tati l’a construite par petites touches avec, on l’a dit, une ambition manifeste de transcender son style par une réelle démarche poétique et artistique. On retrouve ainsi en gestation, tout ce qui fera bientôt la particularité de ces plus grands films, Mon Oncle, Playtime et Trafic.
Les Vacances de Mr Hulot constitue la première étape de sa nouvelle démarche, pour un résultat unanimement appréciable et un petit bijoux destiné autant aux enfants qu’à leurs parents. Le charme est simple, l’ambiance insouciante et le film sent bon l’odeur des vacances. La musique un peu jazzy qui accompagne le métrage donne à elle seul un indice de la légèreté de l’ouvrage. Et pourtant, Les Vacances de Mr Hulot fait déjà preuve d’une grande sophistication. Le film est un peu le laboratoire expérimental des chefs d’oeuvres à venir de Tati. Ainsi Tati tend à un film muet, comme si l’épure au niveau des dialogues lui permettait de renouer avec l’efficacité des premiers maîtres du cinéma burlesque. Dans Les Vacances de Mr Hulot, les personnages parlent, dialoguent parfois, et Hulot lui même prononce quelques paroles. Mais tout ceci est très relatif, tous ces mots, ces quelques mots seulement, ne sont finalement que des sons parmi d’autres. Tati, plus que la grande majorité de tous les cinéastes, aura accordé une importance exceptionnelle au son. D’autant que son personnage est perpétuellement, y compris ici, dans une position d’observation. Dans Les Vacances, Tati nous convie déjà à un voyage sonore, les sons participant incontestablement de la richesse à la fois esthétique et comique du film.
Mr Hulot est un personnage insouciant et naïf. Il ne cherche jamais qu’a faire le bien mais ne se rend jamais trop compte de sons sens aigu de la maladresse. Quoiqu’il fasse, ou qu’il passe, Hulot provoque toujours malgré lui un gag boule-de-neige, un petit accident qui en entraîne un autre qui lui même en déclenche un troisième. Le charme opère systématiquement, car Hulot n’est jamais méchant, parce que ses fautes sont toutes pardonnables et même attendrissantes. Il est même touchant lorsqu’il se mue, évidemment maladroitement, en séducteur d’une jeune fille. On ne s’agace pas de Hulot, son caractère hurluberlu nous invite tous à le prendre en affection. D’ailleurs, tout naturellement, les vacanciers au moment de partir le salueront gentiment et lui promettront de le revoir aux vacances prochaines.
On ne se lasse effectivement pas des vacances avec Mr Hulot. Elles sont toujours un plaisir. le film est un petit moment de bonheur qui se savoure indéfiniment, car le charme opère systématiquement à chaque vision. Les Vacances de Mr Hulot ne se démodent pas, au contraire, et les quelques indices qui nous renvoient à un temps révolu, cette vieille voiture qui pétarade par exemple, ils participent de cette ambiance de jubilation qui nous accompagne le temps de la projection. Mr Hulot est tel un feu d’artifice, qui nous illumine et nous offre sourire et insouciance à déguster. Dans une séquences irrésistible, parmi d’autres, Hulot provoque d’ailleurs accidentellement un feu d’artifice. Décidément, avec Tati, le cinéma est toujours une fête, ce n’est que du bonheur.
Benoît Thevenin
Les Vacances de Monsieur Hulot – Note pour ce film :
Sortie française le 25 février 1953. Réédition le 1er juillet 2009
j’ai vue ce film il est drole