Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique qui se dresse contre toute forme d’ordre établit, contre toutes modes, toutes règles, toutes conventions, contre le bonheur bourgeois matérialiste etc. Le surréalisme fait le procès du positivisme, du rationalisme et y oppose les valeurs du rêve, de l’instinct, du désir et de la révolte. Du cinéma, il émane une douceur surréaliste. Oui, et ce parce qu’il est sûrement le support artistique le plus adapté à l’exploration de l’inconscient, du rêve, de l’irrationnel.
Il serait absurde de vouloir expliquer Un Chien andalou de Luis Bunuel, œuvre phare du cinéma surréaliste. Il n’y a pas de logique, juste un rêve, une succession d’images fortes, métaphoriques. Pour autant, le film ‘parle’. Parce que le surréalisme n’est pas synonyme de confusion, le surréalisme est l’expression du rêve, des fantasmes. Un chien andalou évoque ainsi les tourments intérieurs d’un jeune homme amoureux. Il poursuit une femme qui le fascine en même temps qu’elle le révulse. Voila pourquoi il la tue, voila pourquoi il se tue. Sa passion pour elle est impossible à vivre, il ne peut que se l’imaginer. Sur les pas d’un tango endiablé, il court après cette femme qui s’enfuit, lui échappe.
C’est en tout cas comme ça que je regarde Un chien andalou. Il ne faut pas y chercher une explication rationnelle, ce n’est qu’une rêverie qu’il faut interpréter comme telle, un fantasme qui interpelle, choque même, mais surtout, fascine.
Le surréalisme s’érige ainsi en objection par rapport à l’expression figée, sans contraste, sans relief, sans excès des formes plus conventionnelles de pensée. Le surréalisme est l’expression d’une contestation et privilégie l’abstrait. L’abstrait, oui. Voila quelque chose d’essentiel. L’abstrait nous fait vivre, nous fait palpiter car il nous force à nous replier sur nous-même, à nous pencher sur la part obscure que l’on maintient cachée dans notre subconscient. Ainsi, le surréalisme est vecteur d’imaginaire et cet imaginaire est ce concept qui nous fait sortir de nous même, nous fait bondir de la réalité, non pas que l’on nie ou rejette cette réalité mais parce qu’on la regarde d’en haut, comme pour prendre du recul et être plus en phase avec elle, plus conscient aussi. L’abstrait est ainsi paradoxalement le jumeau du concret. Un jumeau turbulent mais qui assure par le désordre un ordre rêvé.
Le surréalisme est une forme de ‘cinéma automatique’. A l’instar de l’écriture automatique, cette écriture cinématographique n’obéit à aucune règle mais seulement à une inspiration.
Forcément, le surréalisme perturbe. Il nous fait chavirer, on ne sait trop sur quel pied danser. Il suffit d’avoir une certaine ouverture d’esprit pour accepter de se laisser embarquer dans un rêve éveillé.
Avant Un chien andalou, René Clair proposait cet ovni fantasque qu’est Entr’acte, sorte de succession de scènes burlesques que rien ne dirige. Picadia, crédité au scénario de Entr’acte, disait que « ce film ne croit pas à grand-chose, au plaisir de la vie peut-être ; il croit au plaisir d’inventer, il ne respecte rien, si ce n’est le droit d’éclater de rire… ».
Voila ce qu’est le surréalisme, un mouvement dicté par aucune raison, un acte gratuit qui nous fait rêver en même temps qu’il est un appel à la conscience des choses.
Benoît Thevenin