Kevin Macdonald est le petit-fils du légendaire Emeric Pressmurger qui (avec son compère Michael Powell) a réalisé quelques-uns des plus grands films de l’histoire du cinéma britannique (Une question de vie ou de mort, Le Narcisse noir, Les Chaussons rouges entre autres).
Issu du documentaire, certains le connaissent peut-être déjà via Un jour en septembre, le docu qui a accompagné l’année dernière la sortie du Munich de Spielberg dans les salles.
Le dernier roi d’Ecosse, adapté du roman éponyme de Giles Foden, permet une incursion brillante dans l’univers de la fiction. Même si le film semble faire quelque peu le portrait du dictateur ougandais Idi Amin Dada, il s’agit surtout, en fait, d’un aller et retour entre la fiction et la réalité. Le portrait du dictateur est fait via un personnage fictif, ce docteur aventureux par lequel tout est raconté.
C’est donc dans la relation entre ces deux hommes que se noue toute l’histoire. Et c’est donc là aussi que se posent un certain nombre de questions quant au déroulement historique réel des évènements décrits. Certes, l’influence du Docteur Garrigan est très relative face à Amin Dada. Le spectateur est donc pris au piège de la contemplation naïve d’une personnalité atroce. Notre regard, encore une fois, passe par celui de ce Docteur…
Pourtant, le film semble décrire une réalité africaine dans laquelle on pourrait peut-être déceler la compréhension du tyrannisme perpétuel qui ensanglante les terres d’Afriques. Les pouvoirs trop fragiles alimentent les fantasmes de coups d’états. Les rébellions provoquent la paranoïa des chefs et le déchaînement de violences assassines qui en résulte. Le schéma est bien entendu très grossier mais on peut le lire, quelque part, en filigrane de ce film.
Le Dernier Roi d’Ecosse est fascinant par le jeu auquel se livrent les deux personnages centraux de l’intrigue, Idi Amin Dada et le Docteur Garrigan. Une relation père-fils mais pas seulement, car le rapport fascination-peur existe tout autant. Le Docteur est impressionné par la stature du chef d’Etat, son charisme absolument incroyable et qui va de pair avec la carrure physique de cet homme. Amin est lui fasciné par la fureur de ce docteur qui ose le regarder dans les yeux. Amin est pourtant lui aussi terrifié et pour cette raison simple que le docteur détient une connaissance qu’il n’a pas et qui le rend de fait dépendant. Ainsi, lorsque la paranoïa d’Amin est à son firmament, le docteur reste son seul ‘conseiller’ de confiance, le seul qui détient encore une connaissance que le dictateur ne peut s’octroyer et donc, une dépendance dont il ne peut se libérer.
Grace à Forrest Whitaker, qui mérite mille fois son Oscar, toute la fureur meurtrière du dictateur est parfaitement palpable même si le film ne nous dit pas tout et loin de là. Nous l’avons déjà dit, ce film n’est pas vraiment une biographie. Amin apparaît d’abord comme un homme bon qui veut la grandeur de son pays. C’est d’ailleurs ce que le peuple qui l’acclame croit, et il s’agit de ce même regard que porte alors le jeune docteur. A ce moment là, Amin avait pourtant déjà beaucoup de sang sur les mains et cela n’est que sous-entendu par l’attitude désapprobatrice du personnage joué par Gillian Anderson.
Les spectateurs attentifs auront aussi remarqué les plans récurrents sur les médailles d’Amin. Le général s’était effectivement autorisé lui-même à porter les plus hautes distinctions militaires britanniques, d’où son surnom de dernier roi d’Ecosse.
Benoît Thevenin