Alors que l’on présente souvent le cinéma italien actuel comme moribond – ce qui n’est pas tout à fait un mensonge – le voilà qui accouche encore une fois d’un véritable joyau. Après Buongiorno Notte il y a deux ans et Nos meilleurs années l’année dernière, voici Romanzo Criminale.
Les scénaristes du film de Michele Placido sont d’ailleurs ceux de Nos meilleurs années. Et on constate alors un véritable talent de conteur pour ses histoires en forme de saga.
Ainsi Romanzo Criminale porte bien son titre : sur une vingtaine d’année, l’histoire fortement romancée du crime organisé en Italie. Le film conte la trajectoire d’une bande de gamins qui, après le rapt d’un aristocrate italien et le paiement de la rançon, investissent et bâtissent une sorte d’empire du crime à Rome. L’histoire est adaptée de faits réels.
Le rapt d’Aldo Moro par les Brigades Rouges constitue l’épicentre du film. Cet enlèvement, qui à inspiré à Bellochio le brillant Buongiorno Notte, est devenu emblématique de l’histoire politique post mussolinienne et pré bersluconnienne. Intervient alors une sorte de confrontation entre le vent révolutionnaire qui soufflait alors sur l’Italie et le milieu purement crapuleux. Toute cette histoire démontre, s’il le fallait encore, à quel point cette vague de violence a traumatisé l’Italie. Les images d’archives qui ponctuent le récit sont aussi là pour rappeler que tout ceci fait partie intégrante de l’Histoire douloureuse de la jeune démocratie italienne.
Par ailleurs, si son ombre n’est jamais loin, il faut différencier l’activité de cette bande de criminels purs et durs des pratiques mafieuses de l’emblématique Cosa Nostra. S’il faut faire cette différence c’est parce que le film de Placido fait justement penser à quelques films essentiels sur la Mafia. On pense d’abord à Il était une fois en Amérique de Sergio Leone mais aussi aux Parrain de Coppola. On y retrouve la même dimension mythologique et romanesque. Le film prend justement de forts accents de tragédie romaine.
La relation triangulaire entre la pute de luxe (Anna Mouglalis), le flic et l’un des « capo », est centrale à l’intrigue. C’est plus ou moins autour de ces relations que se construit peu à peu la dramaturgie. Anna Mouglalis est fascinante mais il faut d’ailleurs tirer le chapeau à tous les acteurs. Certains apparaissaient pour la première fois ou presque sur un écran. Ils ont incontestablement un grand avenir.
Transcendé par une bande son riche, très variée et envoûtante, Romanzo Criminale est déjà l’un des films les plus impressionnants de cette année 2006. Un film qui marque et fascine. Et un film que tous les amateurs de sagas criminelles ne peuvent pas manquer d’aller voir.
Benoît Thevenin
Romanzo Criminale – Note pour ce film :
Il y a quelques bons cinéastes italiens qui sortent ponctuellement des films particuliers. Malheureusement ceux-ci ne traversent pas toujours les Alpes.
Je pense à Paolo virzì qui avec Ovosodo a su nous transporter dans le Livourne des années 80 en suivant les années d’adolescence de Piero, sa famille difficile, ses amis du lycée et ses premiers amours. Bref l’histoire d’un anti-héros des plus sympathique.
En 2008 est sorti Tutta la vita davvanti, un film légèrement surréaliste mais surtout très humain sur le monde sans pitié des call-center.
Pane e tulipani de Silvio Soldini est quant à lui un beau film qui mérite toutes les récompenses obtenues mais dont le scenario peut paraître trop simple.
Matteo Garrone, mis à part Gomorra, a réalisé le très bon l’imbalsamatore, un thriller réaliste qui met en scène un duo des plus improbables.
Autre film qui sort de l’ordinaire, È già ieri d’Antonio Albanese condamne son personnage principal à revivre encore et encore toutes les journées qu’il a passé à emmerder son monde sur une île espagnole!! Les plus philosophes d’entre nous remarqueront que Nietzsche n’est pas loin.
Carlo Verdone apparaît régulièrement dans des comédies réussies telles que Manuale d’amore et Il mio miglior nemico.
Marco Tullio Giordana outre La meglio gioventù et I cento passi, a aussi décrit le parcours en rafiot de fortune des émigrés clandestins à travers les yeux d’un garçon qui commence les injustices dont la vie est faite. (Quando sei nato non puoi più nasconderti)
Bref les réalisateurs transalpins, même les poings politiquement liés, nous réservent à intervalles réguliers de très bonnes surprises 😀