Réalisé en 1966, La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo à dû patienter jusqu’en 2004 pour avoir enfin le privilège d’être vu en salle en France. Parce qu’il évoque avec un réalisme cru le tabou moderne suprême de la république française, La Bataille d’Alger, pourtant Lion D’or à Venise, aura du faire son chemin de croix.
Le métrage s’ouvre sur une séquence de torture d’un résistant du FLN. Celui-ci finit par céder et révèle la cache de ces amis. Le film sera le flash back sur l’itinéraire de l’un d’entre eux, Ali. Ainsi le film évoque la lente déliquescence des relations entre colons et colonisés. La résistance se met alors en place contre l’occupant français. Cette résistance d’abord faible et quasi inefficace s’organise et va se faire violente et intransigeante pour faire entendre sa voix. Ce qui est remarquable dans ce film c’est cette analyse en profondeur de ce qui a pu se passer en Algérie à la fin des années 50. Sans condamner aucun camp, Pontecorvo montre comment la situation à dégénéré jusqu’au point de non retour. Le réalisateur prend ainsi toutes les précautions pour dénoncer les mécanismes de cet engrenage. Le personnage d’Ali, qui n’a pourtant au départ aucune haine contre personne, va petit à petit devenir un chef de la résistance algérienne. Tous les personnages sont ainsi débarrassés de la moindre once de manichéisme. De fait, le film vise précis et met sur la table les tenants et aboutissant du conflit. Tourné peu après les accords d’Evian en 1962, le film aurait pu tomber dans la démagogie mais offre au lieu de cela un témoignage documenté et documentaire, quasi historique de l’insurrection d’Alger.
Si la réussite de ce film est aussi pleine c’est par les choix sans concession de son auteur, sa volonté d’objectivité totale. Pontecorvo construit son film autour de Yaceff Saadi, acteur dans son propre rôle et donc ancien chef du FLN. Saadi a été présent du scénario à la production et représente un argument de poids par rapport a l’authenticité du contenu de film.
Pontecorvo décrit la même impasse, le même ensevelissement dans la violence pour un idéal que chacun croit être le plus raisonnable. Le film fonctionne par parallélisme. A chaque action résistance, sa réponse policière. Difficile des lors de choisir son camp. Un vaste champ de points d’interrogation, d’incompréhensions, rend encore plus flou ce massacre.
La Bataille d’Alger est clairement un film politique. Ce n’est pas un film militant mais qui exhortation au dialogue, à la diplomatie pour résoudre les conflits les conflits les plus tortueux. Bien sûr, il est plus facile de le prôner que de l’appliquer mais Pontecorvo ne nous offre pas un film naïf, bien au contraire. Son film est une analyse sincère du comportement des hommes. Il montre ce qui amène a tant de haine mais ne juge pas. Une œuvre humaniste et indispensable.
Benoît Thevenin
La Bataille d’Alger – Note pour ce film :
Année de production : 1966