Chansons du deuxième étage (Songs from the second floor) de Roy Andersson (2000)

Chansons du deuxième étage est le troisième film du cinéaste suédois Roy Andersson. Trois films en 25 ans. Quatre ans de tournage, sans scénario ni découpage préalable. Dans sa façon de faire pour le moins peu commode, Roy Andersson à façonné un film tout aussi inclassable.

46 plans-séquences, la plupart en plans fixes sont les bases formelles de ce film. La chronique grinçante d’une petite ville suédoise. Ces 46 plans sont autant de toiles surréalistes parfois composées en trompe l’œil. Chacun de ses plans illustre une situation insolite, parfois ridicule, limite burlesque.

Il y a du Tati dans ce film. Roy Andersson capte une réalité dans sa dimension la plus tragi-comique. Il y a comme une ambiance de fin du monde dans ce monde quasi uniforme. Les dissonances sont systématiques. On assiste à la dislocation d’un monde dont les bases sont floues. Il y a une perte totale des repères et les situations s’enchaînent comme un drame perpétuel, raisonnent comme l’imminence de la fin du monde.

Nous voici en effet à l’aube de l’an 2000. Les capitalistes cherchent à vendre leurs croix. L’ambiance est sombre etc. La durée des plans, sans cesse étirées au maximum, agrémente cette thèse d’une fin imminente.

« Bienheureux celui qui dort sur le dos, bienheureux  le chauve sans chapeau, bienheureux celui qui se coince les doigts dans la porte, bienheureux celui qui paye avec ce qu’il n’a pas, bienheureux celui qui s’assoit ». « Bienheureux celui qui s’assoit », prophétie en forme de leitmotiv pour la promesse d’un repos bien mérité.

Un homme s’accroche aux pieds de son patron qui vient de le licencier après 30 ans de loyaux services, un magicien scie réellement un spectateur figurant. Les autres spectateurs rient de bon cœur croyants à la farce.

Un chef d’entreprise le visage noircit, le regard perdu, s’accroche à une barre dans le métro alors que les usagés, soudainement, se mettent à chanter la chorale. Il se promène avec un sac remplies des cendres de son entreprise qu’il à lui-même brûler.

Un étranger se fait tabasser par des types en costard devant une file de travailleurs indifférent. Un christ se détache de sa croix et se balance.

Les représentants des différents corps de l’armée viennent souhaiter l’anniversaire d’un vieux général centenaire et grégaire. Celui-ci sort de sa torpeur à la fin du discours pour faire ses amitiés à Goering en même temps que le salut Hitlérien.

Un type hurle devant une foule circonspecte et rassemblée autour de lui. Il est parterre, les doigts coincés dans la porte d’un train. Mais « Ca arrive à tout le monde »

Un mort cherche sa sœur. Il hante le métro et la gare. Il est triste car il n’a pas eu le temps de se faire pardonner. Maintenant il est trop tard. Il ne peut plus rien faire puisqu’il est mort…

J’en passe car tout le film est une succession de ces situations désenchantées et tragi-comique, signe d’une déliquescence  arrivée à un stade presque ultime. Le film suit son cours, sans jamais bifurquer. Un film singulier, crépusculaire et, en même temps, splendide. Sublime même.

Benoît Thevenin


Chansons du deuxième étage – Note pour ce film :

Sortie française le 11 octobre 2000


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