Collateral de Michael Mann (2004)

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Depuis Le Dernier des Mohicans (avec Daniel Day Lewis) en 1993, Michael Mann a toujours attiré les acteurs les plus en vogue du moment pour ses films. Et en 2004, c’est un Tom Cruise au sommet de la gloire qu’il convoque, et qu’il vieillit d’une chevelure grisâtre, comme William Petersen dans Le Sixième Sens ou le Russell Crowe de Révélations.
Collateral se nourrit de légendes urbaines, et le film en lui même peut être envisagé comme la quintessence de quelques légendes urbaines énoncés le temps de la projection. L’action se déroule à Los Angeles, le temps d’une nuit et d’une virée nocturne à bord du taxi piloté par Max (Jamie Foxx). Ce dernier conduit d’abord une belle femme (Jada Pinkett) et profite du trajet pour faire la démonstration de sa sympathie, de sa modestie et de sa parfaite connaissance des rues de Los Angeles. Le client suivant sera Vincent (Tom Cruise), un homme apparemment de passage dans la ville pour affaire et qui lui adresse une proposition étrange. En échange d’une prime substantielle, Max devra accompagner Vincent jusqu’au bout de sa nuit, sauf qu’il découvrira bien assez vite que l’homme n’est autre qu’un tueur à gage…

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Le film fonctionne sur un double rapport avec une chasse à l’homme classique du cinéma de Michael Mann et la virée nocturne d’un improbable duo. Les deux arrivent à philosopher, Max étant légitimement choqué d’avoir à faire à  un authentique tueur, Vincent défendant  lui habilement son statut. Vincent développe principalement un argument, opposant l’indifférence d’un homme simple comme Max face aux millions de morts des guerres africaines, à l’intense objection de conscience opérée par Max par rapport à la mort programmée de co-citadins qu’il ne connait pas. Qu’est ce qui fait la valeur d’une vie ? En quoi doit-elle être absolument préservée ? La morale de Vincent évolue dans des sphères qui échappent autant à Max qu’à – a priori – l’essentiel des spectateurs. Ce qui nourrit le nihilisme de Vincent, c’est cette perception d’un isolement et d’une solitude forcenée des hommes modernes au sein des villes. Le tueur raconte une effrayante anecdote, laquelle à valeur de légende urbaine, qui veut qu’un homme soit décédé un dans le métro mais que son décès n’a été constaté qu’à la fin de la journée, lorsque les rames durent être rangées en gare. Vincent fustige ainsi l’hypocrisie de la société capitaliste, laquelle entretient un rapport d’indifférence sans cesse croissant entre les individus.

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En parallèle du parcours de Vincent et Max s’organise la traque de la Police. Fanning (Mark Ruffalo) est un personnage  qui rappelle tout à la fois le Pacino de Heat et Petersen dans Le Sixième Sens. Il va énoncer une autre sorte de légende urbaine, ce qui de fait caractérisera le film. Fanning raconte une histoire selon laquelle un tueur avait forcé un chauffeur de taxi à la conduire pendant sa tournée meurtrière, histoire d’attirer les présomptions contre l’innocent, retrouvé finalement assassiné au petit matin. Peut-être à ce moment là entrevoyons-nous le destin de Max, en tout cas la lucidité de la police est assez grande pour accentuer l’impression d’un conte urbain, avec ce qu’il a de vraisemblable et d’improbable mais qui se coordonne par la grâce d’un récit intégré à une réalité vicieuse et sur laquelle les prises sont rares. Ainsi, l’étonnante coïncidence qui va fournir au film sa dernière demi-heure trouve là une justification parfaite.

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Que ce film soit a ce point impliqué dans le schéma des légendes urbaines (cf. aussi le récit par un patron de Jazz Club de son histoire personnelle avec Miles Davis) n’a rien d’étonnant dès lors que Michael Mann en est l’instigateur. Le cinéaste est connu principalement pour ses films urbains et pour cette manie qu’il a à imprimer ses récits dans un cadre nocturne. Collateral se trouve ainsi à la jonction des principales thématiques de l’oeuvre du cinéaste : l’isolement et le caractère solitaire de ses personnages, la traque policière en parallèle d’un parcours criminel singulier et ce cadre de la nuit qui façonne à chaque fois les personnages. Il n’y a pas mieux que Michael Mann, pas même Johnnie To, pour capter une ambiance nocturne qui permet une emprise réelle sur le spectateur. Michael Mann réussit en plus a affuter son style, avec un code des couleurs élargit par rapport à ses autres films. Michael Mann ne se contente pas de filtre bleu marine, il capte les lumières de la ville, les intègre à son image mais toujours avec un soucis d’équilibre dans la construction de chacun de ses plans. Michael Mann est plus que jamais un grand formaliste.

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Le réalisme de la mise en scène, autre obsession de Mann, trouve un allier inédit avec la fraîche mise à disposition de caméras numériques HD. L’effet ajoute effectivement un cachet à la mise en scène globale, notamment pour les scènes d’action. Dans ce domaine là, on notera un morceau de bravoure avec la séquence de la boîte de nuit, l’orchestration magistrale, notamment par le montage et la bande-son, d’un fait d’arme exemplaire. La scène trouvera quelques échos dans les boîtes de nuits de Miami Vice. C’est que Michael Mann, mine de rien, construit film après film un univers de plus en plus cohérent, ou les oeuvres se répondent et donne vraiment le sentiment d’une complète maîtrise de son art.

Benoît Thevenin


Collateral – Note pour ce film :

Sortie française le 29 septembre 2004

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2 commentaires sur “Collateral de Michael Mann (2004)”

  1. Vlad dit :

    Sans nul doute l’un de mes michael mann préféré avec Heat :-)

  2. Raoul dit :

    Tout simplement mon préféré de Mr Mann.

    Un film aux ambiances poétiques filmé en finesse et avec le courage de chercher cette poésie dans une histoire pour le coup violente et castratrice.

    Mise en scène comme tu l’as dis Benoit grandiose, à savourer et à se délecter: on est dans le taxi, on est parfois un passant de L-A, on est en tout cas l’observateur privilégié d’une histoire unique, on a qu’une envie se taire, écouter et observer tout en retenant son souffle.

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