Tarsem Singh c’était révélé en 2000 avec un intriguant thriller, prétexte à une évocation esthétique plutôt singulière. Avec The Cell, Tarsem nous proposait de nous plonger dans les méandres de l’esprit torturé d’un serial killer. Le résultat était extraordinaire pour le travail formel du réalisateur, mais déjà nettement plus contrasté pour ce qui est du film dans sa plus entière conception. En clair, Tarsem avait étalé son talent de faiseur mais peu convaincu par ailleurs. L’image, on savait le cinéaste être capable d’en composer de sublimes. Tarsem aura été formé à l’école de la pub et du clip et c’est notamment par son parcours dans ce milieu là qu’il aura lié avec David Fincher et Spike Jonze, deux éminent transfuges de l’univers clipesque qui auront soutenu la promotion de The Fall.
Le film n’est que le second long-métrage de Tarsem et nous parvient seulement maintenant officiellement en France par une simple édition DVD alors même que la production fut lancée dès 2006 et le film sorti en catimini dans quelques salles américaines en mai 2008… La sanction est brutale pour ce cinéaste qui ne cible peut-être pas une très large audience mais qui mérite tout de même une plus grande attention. The Fall n’est en plus porté par aucune tête d’affiche à la notoriété bien établie, ce qui ne l’aura pas aidé à connaître une plus belle carrière.
Dommage donc, d’autant que The Fall est une oeuvre qui mérite incontestablement le grand écran. Le résultat n’est pas forcément complètement extraordinaire mais le pouvoir de fascination de ce film est tout de même phénoménal. L’histoire est relativement simple. A Los Angeles dans les années 20, un cascadeur hollywoodien sur son lit d’hôpital fait la connaissance d’une petite fille a qui il va raconter une fabuleuse histoire aventureuses, la lutte épique de cinq valeureux personnages tous rancuniers de la tyrannie d’un gouverneur antique.
Le principe narratif est déjà éprouvé depuis longtemps, ce n’est pas ce qui fera la singularité de The Fall, même si la construction du récit, qui mélange plutôt habilement réalité et fiction est assez intéressante. Surtout, The Fall provoque l’émerveillement et la béatitude par la succession de plans d’une richesse graphique incroyable. On pourra faire à Tarsem le même reproche que pour The Cell, de livrer un film-clip, sauf que son travail esthétique se marie là sans doute encore plus naturellement avec l’histoire qui est contée. Le cinéaste soigne quand même suffisamment son intrigue pour qu’on ne l’accuse pas de ne s’intéresser qu’à l’image. Certes on pourra aussi dire que cette production design liftée pour l’essentiel par des ordinateurs ne respire pas assez le travail artisanal pour susciter une adhésion unanime. Reste qu’on ne peut bouder son plaisir de s’en prendre là plein la vue, surtout que ce n’est pas totalement gratuit.
The Fall n’a pas une grande profondeur philosophique mais le film n’est pas dénué d’émotion non plus. L’aventure épique est vécue dans sa pleine dimension, et le parallèle avec l’histoire plus terre à terre entre le cascadeur et la petite fille confère au film l’essentiel de son charme. Disons que l’aspect onirique du film lui confère un charme avant tout sensoriel quand l’histoire plus intime explore plus volontiers la gamme des émotions. La fin de The Fall est à cet égard vraiment réussie, et tellement sombre qu’on comprend à quel point ce film n’a rien pour être un produit commercial parmi les autres sortis des tuyaux de l’industrie du cinéma.
La dernière demi-heure est sombre mais superbe, plutôt poignante. Et pour preuve de la réelle sensibilité du réalisateur, Tarsem a l’intelligence de conclure son film sur une note poétique sublime au possible, hommage formidable aux cascadeurs invisibles qui contribuent tant au spectacle cinématographique, et qui atténue le caractère plus désespéré auquel il aurait pu tout aussi bien nous laisser. Sauf que le film n’est pas construit dans cet esprit là. Sa finalité ne pouvait qu’être différente. Tarsem nous convainc bien davantage avec The Fall qu’avec son précédent long-métrage. Il assume totalement son obsession clipesque, ce qui confère au film beaucoup de prétention et d’ostentation, sauf que Tarsem s’en libère avec tact nous laissant libre d’apprécier cet objet filmique un peu particulier mais divinement conçu.
Benoît Thevenin
Je suis tombé raide dingue de ce film fou !
J’ai enfin vu ce bijou ce weekend. Travaillant présentement sur les contes, je ne pouvais être que conquis par la poésie qui émane des images de Tarsem. Et je n’ai été que plus ému par la dernière partie.
(encore un film injustement inédit…)