Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994)

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Le jeune cinéma américain du début des années 90 – même si Lynch et les Coen oeuvraient déjà depuis un moment -, volontiers trash et décomplexé, s’est taillé la part du Lion au Palmarès du Festival de Cannes de ces années là. Sexe, mensonge et vidéo (89), Sailor et Lula (90), Barton Fink (91)participent d’une même tendance, et donnent ses lettres de noblesses assez rapidement à un cinéma violent et moderne.
Dès 1992, Quentin Tarantino débarque avec Réservoir Dogs, qui après un accueil frénétique à Sundance, parvient sur la Croisette en séance spéciale, Hors Compétition. Rendez-vous est pris avec Cannes. Tarantino est le chef de fil d’une génération de cinéastes qui va insuffler véritablement une énergie nouvelle au cinéma US. A défaut de chef de fil, Tarantino est au moins la figure centrale d’une série de films qui s’intègrent tous dans la même mouvance : True Romance (Tony Scott, 93) et Tueurs Nés (Oliver Stone, 94) d’après des scénarii de Tarantino ; Killing Zoe, réalisé par Roger Avary, ami de Quentin et coscénariste de Réservoir Dogs et Pulp Fiction. Tous ces films nous arrivent sur une période courte de quelques mois à peine et Pulp Fiction, qui sera le dernier à sortir à l’automne 94 est d’une certaine manière l’oeuvre qui englobe toutes les autres. Et aussi, et ce n’est pas du tout accessoire, le film de la consécration pour cette génération de jeunes loups puisque pour son second long-métrage, Tarantino reçoit la Palme d’Or.

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Cette introduction à tiroirs sied je pense assez bien à l’esprit de Pulp Fiction. La structure du récit est à ce point éclatée qu’elle finit d’ailleurs par nous abandonner à au moins une énigme narrative, le rideau se baissant avec le salut de deux personnages alors que le spectateur à assisté quelques dizaines de minutes auparavant à la mort de l’un des deux. Réservoir Dogs était déjà construit de manière relativement complexe, mais Pulp Fiction pousse le principe bien plus loin.

A la vision de Pulp Fiction, on redécouvre Réservoir Dogs, véritable film matrice du second. Les données de bases sont plutôt semblables, un groupe de gangsters minables, la caféteria, des dialogues étonnants et percutants qui désamorcent l’explosion programmée de la violence etc. Pulp Fiction affirme néanmoins une plus grande ambition, ne serait-ce celle déjà grande de la choralité de l’intrigue. Quand dans Reservoir… l’intrigue se déroule presque intégralement dans le huis clos d’un hangar, Pulp Fiction voit ses personnages se balader dans les rues de Los Angeles pendant tous sa durée.

Là ou Tarantino montre qu’il est décidément habile, c’est lorsque le film finit par aboutir à une séquence ou les flingues se croisent, de la même manière que Reservoir Dogs se terminait déjà, mais en jouant probablement volontairement ici avec justement, je souvenir de cette précédente expérience..

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Ce qui frappe chez Tarantino, c’est cette capacité à être passionnant en brassant pas mal de vide. Si ces dialogues sont cultes, la grande originalité restent quand même leur extrême trivialité. C’est d’abord ça qui rend les personnages si accessibles, si proches de nous, alors même qu’ils paraissent totalement déconnecté de toute réalité. Chaque personnage de Pulp Fiction peut être qualifié de lunaire et c’est aussi ça qui les rend attachants.

Tarantino construit un cinéma pop’, ou l’utilisation de la musique est fondamentale, ou les antihéros Vincent Vega et de Jules pénètrent l’inconscient collectif, qui remet le twist à la mode et impose une manière de danser, qui déblaterre des tirades insensées dont on se retient (ou pas) de les répéter hors contextes à notre entourage.. Avec le recul, on se dit même que malgré tous ses efforts, malgré son talent qui reste aujourd’hui impressionnant à écrire des dialogues, ceux de Pulp Fiction sont vraiment les plus brillants et jouissif qu’il ait écrit à ce jour.

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Pulp Fiction
, encore davantage que ses frères et cousins (rappelons True Romance, Killing Zoe et Tueurs nés), redéfinit radicalement la perception du cinéma, tout au moins cette vision classique d’un cinéma qui interroge le monde, le réel, qui définit des personnages en phase avec cette aspiration là etc. Soudain le cinéma devient un moyen d’exulter. Il s’agit d’un maelstrom d’images et de sons agencés de manière bordélique et sans désir absolu de définir un sens à l’histoire. Voila qui est quand même assez nouveau et, en fait,  passionnant. Ce cinéma de la destruction et du recyclage, n’est quand même pas tout à fait sans fond et encore moins sans style. Pulp Fiction devient emblématique d’une génération nouvelle, d’une évolution de la société (de consommation). Tarantino devient soudain au cinéma ce que Brett Easton Ellis peut représenter pour la littérature moderne, un fanatique qui ne craint aucun excès et qui est assez audacieux et génial pour régurgiter toutes sa culture sans que cela fasse pompeux,  en obtenant au contraire l’effet inverse. Pourquoi ? Parce que la culture de Tarantino, c’est justement en premier lieu une certaine culture pop’ et aussi parce qu’il manie références et ambitions plus proprement cinématographiques (rythme, montage, composition des plans, mouvement de caméras) dans un esprit cool qui fait sa patte.

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Tarantino, en deux films à peine devient un réalisateur adulé, mais pas seulement en raison de sa présence vampirique dans les médias, pas uniquement par son potentiel de showman, plus sûrement parce qu’il a libéré quelque chose, il a insufflé une énergie que le public prend en pleine poire avec tant de plaisir qu’il en redemande.

Benoît Thevenin


Pulp Fiction – Note pour ce film :

Sortie française le 26 octobre 1994


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Aucun commentaire sur “Pulp Fiction de Quentin Tarantino (1994)”

  1. voyancetelephone dit :

    c’est un trés beau film

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