Les Oiseaux (The Birds) d’Alfred Hitchcock

les oiseaux

Dans un bar, un ivrogne annonce la fin du monde. Des milliers d’oiseaux de toutes les espèces semblent s’être ligués pour attaquer les humains vivant autour de la station balnéaire de Bodega Bay. C’est donc bien dans un climat d’apocalypse que se déroule Les Oiseaux, peut-être le film le plus célèbre d’Alfred Hitchcock avec Psychose qui le précède justement dans sa filmographie. Et de la même manière qu’Hitchcock aura initié le phénomène des films de Serial Killers avec Psychose, Les Oiseaux va annoncer celui du cinéma catastrophe, bien avant Les Aventures du Poséidon, La Tour Infernale ou Les Dents de la mer.

Pourtant, on aurait tord de réduire Les Oiseaux à cette dimension là ou au sentiment d’épouvante. Depuis Vertigo en 58, les films d’Hitchcock tournent de manière évidente et obsédante autour de la question du désir et de la sexualité. Dans la première séquence des Oiseaux, Mélanie (Tippi Hedren) rencontre dans une oisellerie le séduisant avocat Mitch Brenner. Leur attirance réciproque ne nous échappe pas et le dialogue qu’ils entament et clairement allusif. C’est ce désir pour Mitch qui va pousser Mélanie à quitter San Francisco pour Bodega Bay (paisible station balnéaire ou Hitchcock avait déjà tourné L’Ombre d’un doute), dans l’espoir de le retrouver. Cette partie là du film n’est cependant pas très intéressante, l’échappée romantique de Mélanie parait artificielle et ne convainc pas énormément. Pas plus d’ailleurs que la relation amicale qui se noue si facilement entre l’institutrice locale et Mélanie, alors même que le comportement de cette dernière est pour le moins ambigus.

The Birds Tippi Hedren

Le désir dans Les Oiseaux n’est alors pas que sexuel, puisqu’il agit également sur le spectateur, pressé que nous sommes d’avoir à faire aux oiseaux. Il y a comme un plaisir jouissif et malsain à assister aux attaques des animaux, d’autant que ces séquences sont saisissantes de réalisme. Il faut se recentrer sur le contexte de 1962, année de production du film (la même que celle de Jason et les Argonautes…), pour se rendre compte de l’incroyable efficacité visuelle des effets spéciaux de ce film. Toutes les séquences d’attaques sont d’authentiques morceaux de bravoure réussis de la part d’Hitchcock, lequel a employé pour ses scènes pas moins de vingt-huit mille oiseaux, mécaniques pour la plupart. Près de trois mille cinq cents étaient tout de même bien réels, dressés et dirigés pendant leurs scènes par un système d’émissions de sons. Autant dire que le tournage pris parfois des allures épiques.

les oiseaux

Pour Tippi Hedren, ce fut un cauchemar, l’actrice subissant, principalement pour ce qui est une des séquences finales, les attaques d’oiseaux vivants lancés contre elle avec une certaine cruauté par un Hitchcock soucieux avant toutes choses de réussir un film réaliste. Le résultat reste spectaculaire presque un demi siècle plus tard, soit la preuve que le sacrifice consenti malgré elle par Tippi Hedren en valait la peine. Et même si l’expérience fut particulièrement déplaisante pour elle, on note quand même qu’elle ne le fut pas assez pour l’inciter à refuser de retravailler avec Hitchcock dès après Les Oiseaux puisqu’elle est l’héroïne éponyme de Marnie

The_Birds_-_Rod_Taylor_-_Tippi_Hedren

Si d’un strict point de vue visuel, Les Oiseaux reste un film spectaculaire, on a donc amorcé le fait que ca ne constitue pas toute la substance de ce métrage. Hitchcock focalise aussi, voir surtout, son attention sur les relations qui interagissent entre les personnages. Malgré leur apparente amitié, une rivalité nait entre Mélanie et l’institutrice, avec bien sûr Mitch comme enjeux. Ce dernier est sous l’emprise d’une mère possessive dont on comprend qu’elle à compromis l’amour entre Mitch et la maîtresse d’école mais qui découvre rapidement qu’elle aura beaucoup plus de mal à écarter cette fois Mélanie, belle jeune femme, blonde et sophistiquée comme Hitchcock les aimaient, dotée apparemment d’un sacré caractère. Ce qui est étonnant, c’est que les personnages en question arrivent à discuter en toute franchise de ces tiraillements là, ce qui désamorce en partie la tension entre eux, mais qui instaure dans le même temps assez de trouble et de confusion dans l’esprit du spectateur.

Dans le même temps de ses querelles plus ou moins vérouillées, les attaques des oiseaux – dont on fait bien comprendre à Mélanie qu’elles surgissent comme par enchantement au moment de son arrivée dans la paisible cité – semble pouvoir être percues comme une projection métaphorique des pulsions réfrennées des unes, et de la défense farouche de son fils par une autre.
les oiseaux
Néanmoins, les oiseaux n’attaque pas qu’exclusivement Mélanie et le petit groupe de personnages qui gravitent autour d’elle. Les oiseaux s’en prennent aussi, et assez largement finalement, aux enfants, ce qui constitue d’ailleurs pour la scène d’assaut pendant la récréation un modèle de mise en scène tant la tension est habilement élevée jusqu’au moment fatidique. Si les oiseaux foncent droit sur les enfants, cela ne révèle pas forcément la méfiance, voir le rejet qu’Hitchock pouvait avoir vis à vis des plus jeunes générations, sans doute parce qu’ils les savaient potentiellement mesquins et machiavéliques, comme le sont souvent les enfants. On note plutôt que les oiseaux s’attaquent quasi exclusivement à des personnes , disons faibles : femmes, enfants, personnes âgées. De cette façon là, les oiseaux semblent agir de manière lâche et selon un modèle de criminels dont Hitchcock à pu faire le portrait, dont Norman Bates dans son précédent film, trois ans auparavant.

hitchthebirds

On ne saura jamais rien de la raison véritable qui pourrait expliquer le comportement agressif des animaux mais, ramené à l’humain, ils présentent toutes les caractéristiques d’une psychopathologie. Les seuls hypothèses retenues pendant le film pour tenter de rationaliser ces attaques – quoique en fait régulièrement contestées par quelques personnages secondaires – ne sont pas très satisfaisantes. Tout juste entend on qu’une maladie affecte un poulailler du coin (de là à envisager un lien de cause à effet… ) ou alors un personnage là encore secondaire d’expliquer que les oiseaux se vengeraient de  milliers d’années de tyrannie humaine à leur encontre…

Les Oiseaux le film le plus spectaculaire  du cinéaste (cf la séquence de la station service par exemple), techniquement impressionnant et même quelque peu atypique par rapport à ces autres films.  Les Oiseaux est un film sans bande-originale mais ou la bande-son a été particulièrement travaillée pour correspondre à l’ambiance d’une attaque globale d’oiseaux. Bernard Herrman, qui a oeuvré sur cet univers sonore particulier, use de sons plutôt stridents et qui ont pour effet d’augmenter la tension auprès du spectateur. Tout participe d’une même rigueur, d’une même méticulosité. Rien échappe au contrôle d’Hithcock, dont la maitrise totale sur ce film sonne une fois encore comme une évidence. Ce n’est qu’au niveau du scénario (d’après une nouvelle de Daphné du Maurier, auteur dont Hitchcock avait déjà adapté La Taverne de la Jamaïque et Rebecca, son premier film hollywoodien ), que Les Oiseaux paraît parfois un peu fragile.

birds subs Alfred Hitchcock - Masterpiece Collection DVD Review
Un remake est en préparation, produit par Michael Bay et réalisé par Martin Campbell avec la blonde – si typiquement Hitchcockienne, c’est vrai – Naomi Watts. Les effets spéciaux ont suffisamment progressés pour qu’on ne s’inquiète pas à ce niveau là, mais on peut en revanche s’interroger sur l’intérêt réel de refaire les films du maître. Les précédents tentatives (Meurtre parfait, Psycho et le téléfilm Fenêtre sur cour avec Christopher Reeves) ne nous ont tous les cas jamais convaincus.

Benoît Thevenin


Les Oiseaux – Note pour ce film :

Sortie française le 6 septembre 1963


Email

5 commentaires sur “Les Oiseaux (The Birds) d’Alfred Hitchcock”

  1. Foxart dit :

    Le film a un peu vieilli, je trouve, la première heure est vraiment très bavarde… mais le génie d’Hitchcock opère tout de même et notamment lors d’immenses scène antologique d’attaques ou de pré-attaque…
    La scène du jardin d’enfants devant l’école donne envie de grimper au rideau tellement c’est beau !

  2. Benoît Thevenin dit :

    Entièrement d’accord ;). Je trouve moi aussi que le film a un peu vieilli. Bon je dirais que c’est surtout la première demi-heure qui me parait faible. La volonté de Mélanie de retrouver son coup de coeur, comment elle s’installe chez l’institutrice etc. tout ca me parait assez.. eux, bon « niais » n’est p.e pas le bon mot, mais en en tout cas j’y crois pas. c’est assez décevant. Mais le reste, wow effectivement ! Et quelle génie dans la préparation des scènes d’attaques. Comme tu le dis, la scène de la récréation est fantastique. Celle ou Mélanie attend sur le banc devant l’école (qui ressemble à une église d’ailleurs.) Très très fort là encore.
    Connaissant Hitchcock, je ne sais pas s’il fait attacher beaucoup d’importance au sous texte religieux du film. Ca me parait hasardeux de s’aventurer sur ce terrain là, mais le film parait remplit d’allusion bibliques, c’est assez étrange..

  3. Vincent dit :

    Ah moi au contraire, je trouve la première partie impeccable. La façon dont Hitch amène le suspens m’a beaucoups plus terrorisé que les attaques en elles-même : n’est-ce pas un peu la preuve que le film n’a vieilli que d’un point de vue technique ?

  4. Benoît Thevenin dit :

    La façon dont il amène le suspens, juste avant les attaques, c’est ce que je trouve de plus brillant dans ce film.
    Et d’un point de vue technique, moi je continue d’être impressionné :)

  5. Une analyse sous un autre point de vue :

    L’ÉCOLOGIE SELON HITCHCOCK

    Le propos du film est parfait, il y a une dimension écologique et après plus d’une heure de film dans une ambiance de thriller, entre un personnage, l’ornithologue, très sensé et qui vient lancer un débat :

    It is mankind, rather, who insists upon making it difficult for life to exist on this planet. (Mrs. Bundy, l’ornithologue)
    Cette citation, que l’on peut traduire par « C’est l’humanité qui s’évertue à rendre l’existence difficile sur cette Terre », est révélatrice de l’engagement de Hitchcock sur ce film.

    Si vous souhaitez lire la suite de notre critique, suivez le Poney : http://superponeyalphabetise.com/the-birds-bombe-nucleaire/

Laisser une réponse