Même s’il ne fut jamais vraiment associé à la Nouvelle Vague, le cinéma de Louis Malle est dans la droite lignée des aspirations des jeunes turcs des Cahiers du Cinéma.
Ascenseur pour l’échafaud est, en 1957, son premier film de fiction. L’année précédente il recevait la Palme d’Or pour la co-réalisation avec Jacques-Yves Cousteau du documentaire Le Monde du Silence.
Louis Malle construira une partie de sa carrière de l’autre côté de l’Atlantique, mais déjà Ascenseur pour l’échafaud lorgne un peu du côté du cinéma américain. En tournée à Paris, Miles Davis enregistre en une nuit la bande-originale du film de Louis Malle. La musique du fantastique trompettiste imprègne l’ambiance de ce récit. La belle voiture décapotable de Maurice Ronet, une Mercedes certes, semble symboliser aussi l’attrait de Malle pour les polars hollywoodiens.
L’histoire est celle de Julien Tavernier (Maurice Ronet), ancien militaire qui entreprend le crime parfait pour éliminer son patron, également mari de sa maîtresse (Jeanne Moreau). Un oubli malheureux l’oblige à revenir sur la scène de son crime alors que le moteur de sa voitue tourne déjà. Pauvre de lui, Julien se retrouve coincé dans l’ascenseur, un jeune loubard vole son bolide pour impressionner sa petite amie, et Florence Carala, son amante, imagine qu’il a été trop lâche pour aller jusqu’au bout du plan qu’ils avaient préparés ensemble.
Pendant tout le film, Julien n’a aucune prise sur ce qui se passe. Sa position est si inconfortable qu’il est déjà condamné a être retrouvé là au petit matin lorsque l’ascenseur sera réactivé. Julien est d’une certaine manière déjà dans le couloir de la mort, ou au moins dans la cellule de sa prison. Ceux qui sont à l’extérieur, et qui n’imagine pas ou il peut être, vont influer par leurs comportement durant cette nuit là sur le destin de Julien. Le spectateur se retrouve dans une position ou bientôt il n’est plus certain que l’assassin sera démasqué. Le suspens se met en place presque mécaniquement. La virée nocturne des jeunes amants dans la voiture de Julien va basculer dans le tragique, ce qui offre à la fois un échappatoire à Julien et qui en même temps le place dans une position sans doute plus inconfortable encore.
Ascenseur pour l’échafaud est un film ou tout est merveilleusement mis face à face, les deux couples d’amants, le rapport à la police évidemment, mais pas seulement. Les contrastes se retrouvent également dans la mise en scène. Les plans avec Julien sont sombres, il n’a que son briquet pour obtenir une lueur. Florence baigne elle complètement dans les lumières de Paris, les phares des voitures, les lampadaires de la ville. Mieux que cela, le film se déroule intégralement sans que jamais Florence et Julien ne soit réunis. Ils ne communiquent qu’une seule fois, par téléphone, et encore… on entend que le son de la voix de Jeanne Moreau, en gros plan. Leur passion est bien réelle mais toute la mise en scène révèle leur séparation inéluctable. Jamais plus ils ne seront ensemble autrement que sur une vieille photo.
Jeanne Moreau est là dans un de ses premiers rôles importants. La pluspart de ses scènes sont en monologue intérieur, mais elle incarne parfaitement la solitude, les doutes, la perdition de son personnage.
Pour un premier film, Louis Malle réalise un authentique coup de maître, un film haletant, émouvant, sophistiqué mais aussi carrément envoutant grâce à la musique de Miles Davis.
Réalisé en 57, Ascenseur pour l’échafaud préfigure aussi la Nouvelle Vague, Le Beau Serge, Les 400 coups et A bout de souffle ne débarquant dans les salles que dans les mois et années qui suivront la sortie du film de Louis Malle. On retrouve par ailleurs au casting Jean-Claude Brialy (non crédité), un des acteurs emblématique de la Nouvelle Vague, dans une de ses toutes premières apparitions.
Benoît Thevenin
Ascenseur pour l’échafaud – Note pour ce film :
Sortie française le 29 janvier 1958