Comédien de Stand Up réputé outre-atlantique, Bobcat Goldthwait est aussi réalisateur, et un auteur sur lequel il faut plus que jamais compter. World’s Greatest Dad est son troisième long-métrage de cinéaste et le second, Juste une fois, avait réussi à se faire remarquer, autant par l’audace de son sujet, que pour son efficacité comique et sa réelle sensibilité.
Juste une fois commençait avec la révélation d’un énorme secret totalement inavouable et qui allait se révéler riche de conséquences. L’héroïne confessait avoir expérimenté une fois, un jour d’ennui, la zoophilie avec son chien ! World’s Greatest Dad fonctionne sur un principe similaire. Lance Clayton (Robin Williams), père célibataire et professeur dans le lycée de son fils Kyle (Daryl Sabara, un des héros de Spy Kids), surprend ce dernier en pleine séance de masturbation avec étranglement…
Kyle est un personnage abjecte, détesté par absolument tout le monde tant il est ingérable, vulgaire et obsédé par le sexe et ses perversions. Un soir, Kyle s’étouffe lors d’une de ses séances masturbatoires et son père intervient trop tard pour le sauver. Kyle meurt et son père, maquille le tragique, inavouable et pathétique accident en suicide. Lance, écrivain minable qui n’a jamais publié la moindre ligne, écrit même une lettre d’adieu et ne mesure encore pas les incroyables conséquences que son mensonge va engendrer.
La première demi-heure rythmée par la cadence des insultes et des insanités proférés par Kyle ne laisse pas augurer immédiatement d’une comédie très sophistiquée. Et pourtant.. Le film est bien plus subtil qu’il n’en a l’air, fustige une somme d’hypocrisies et de jalousies sans pour autant faiblir du point de vue humoristique.
Robin Williams incarne un personnage assez opposé aux héros loufoques et incontrôlables qu’on l’a souvent vu joué. Il est ici posé, réservé et finalement très touchant. Il est un père qui fait ce qu’il peut pour élever son fils correctement et qui fait face douloureusement, avec beaucoup de pudeur, à son sentiment d’échec, d’autant qu’au travail, il n’est pas non plus un enseignant très populaire. Malgré tout, il vit une histoire secrète avec Claire, une jeune prof toute pimpante et très sexy. Là encore son histoire est frustrante car ils s’efforcent de rester dans l’ombre. Lance ravale en plus sa fierté, encore, lorsqu’il constate l’amitié suspicieuse entre Claire et Mike, un collègue jeune et beau gosse qu’il jalouse aussi pour d’autres raisons.
La mort de Kyle va bientôt tout bouleverser. Les élèves qui le méprisaient à juste titre de son vivant, retournent leurs vestes et commencent à voir en lui un génie incompris. Kyle devient un héros, est regretté de tous aux seuls motifs que sa disparition est un mystère et parce que sa lettre d’adieu, écrite par son père, est d’une profondeur dont ils ne jugeait pas Kyle capable…
La satire construite par le cinéaste est totalement irrévérencieuse, heurtera probablement le bon goût de certains spectateurs mais fait preuve d’une incroyable efficacité comique, récréative, jouissive et réellement percutante. Les comédies ne sont jamais autant excellentes que quand elles sont intelligentes et Bobcat Goldthwait réussit là ou tant d’autre ont échoué. Après Juste une fois, le cinéaste confirme son talent et sa qualité d’auteur comique totalement atypique. « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde » disait Pierre Desproges. Nul doute que Bobcat Goldthwaith applique avec brio cet adage.
Benoît Thevenin
World’s Greatest Dad – Note pour ce film :