Luc Besson fait ses premières armes de cinéaste avec L’Avant Dernier, court-métrage noir et blanc d’anticipation qu’il réalise en 1981. Le jeune réalisateur dirige pour la première fois Jean Reno, acteur rencontré sur le tournage des Bidasses aux grandes manoeuvres, sur lequel Besson exerçait la fonction d’assistant du réalisateur Raphaël Delpart. Besson ne tarde pas à vouloir passer au long-métrage et souhaite développer l’idée de base de L’Avant-dernier pour en faire un film pour le cinéma. Avec Pierre Jolivet, partenaire de Reno dans le court, Besson écrit le scénario du Dernier Combat, cherche le financement de son projet, s’endette auprès des banques pour un film qui témoigne aujourd’hui de tout ce que Besson allait devenir.
Le film révèle un monde en ruine, et quelques survivants d’une apocalypse qui ne s’entendent pas et se livrent encore au combat. Le scénario vaut ce qu’il vaut, c’est à dire quand même pas grand chose, tant cette représentation d’un monde apocalyptique ne sous-tend aucun enjeu moral, idéologique ou humaniste. L’intérêt est ailleurs. D’emblée, Besson s’affirme comme un cinéaste d’images. Ses idées il les place d’abord dans sa mise en scène. Il ne cherche en rien a expliquer les mystères de son film, ce qu’il s’est passé pour que le monde soit dans cet état ? Pourquoi les survivants ont tous perdus l’usage de la parole? Pourquoi il n’y a aucune femme parmi eux, ? Pourquoi des clans se sont formés et se font la guerre ?
Le fait que les personnages soient muets nous laisse à penser qu’il ne s’agit là que d’une facilité que s’autorise le cinéaste. Besson est un réalisateur encore inexpérimenté et qui, s’il démontre déjà une grande ambition, prend quand même son temps avant de s’engager totalement dans l’aventure. Sous-entendu par là qu’un film sans dialogue et en noir et blanc, cela fait quand même autant de contraintes en moins à maîtriser. C’est une attitude sage et tout à fait respectable qu’on ne peut que recommander de suivre aux apprentis cinéastes.
Le Dernier Combat est d’abord un livre d’image, et Besson prouve sa capacité à élaborer des plans sophistiqués et une mise en scène. Le rythme est également bien tenu, malgré un récit simpliste qui ne fait que raconter l’opposition physique entre une brute (Jean Reno) et un homme solitaire (Pierre Jolivet). Quelques personnages s’ajoutent en plus, par rapport à L’Avant-Dernier, et Besson réussit à s’entourer d’acteurs avec un certain bagage (Jean Bouise, Fritz Wepper, le comparse de Horst Tappert dans la série Derrick), même si leurs rôles sont plus qu’anecdotiques.
Le récit, même s’il est sommaire, tend tout de même à une finalité. L’humanité du Dernier Combat est sans femme, et donc programmée pour s’éteindre. Le solitaire incarné par Pierre Jolivet se lie avec un scientifique (Jean Bouise) qui tente de faire retrouver l’usage de la parole aux survivants. Il découvre bientôt que le docteur dessine sur un mur le portrait d’une femme, ce qui ne manque pas d’émouvoir Jolivet. Il se rend compte finalement que le Docteur retient captive une jeune femme dont il prend grand soin. Le film se termine sur la rencontre entre la jeune femme et le solitaire. L’amour comme remède au déclin rédhibitoire de l’humanité, l’idée est joliment naïve et ne mange pas de pain.
Cette naïveté est devenue presque une marque de fabrique du cinéma de Besson. Ca lui a notamment été beaucoup reproché pour Le Grand Bleu, le film qui fera de lui une star, mais qui lui vaudra un tel accueil critique qu’aujourd’hui encore, Besson méprise tout scribouillard qui oserait émettre des réserves contre son cinéma.
Pour l’heure, Besson n’en est pas encore là. Le Dernier Combat est un film singulier qui ne manque pas de se faire remarquer à sa sortie, à juste titre. Avec Beineix et dans une moindre mesure Carax, Besson se voit presque instantanément désigné comme un chef de file de cette nouvelle génération de cinéastes, plus intéressés par les images que par le contenu, influencés par l’émergence d’un nouveau style publicitaire, et notamment les vidéos-clips. Cette génération là tourne complètement le dos à celle de la Nouvelle Vague et propose une forme nouvelle, une conception différente du cinéma français.
Pour Besson, la suite directe se construira avec quelques complices de ce premier essai : Jean Reno sera de toutes ses aventures jusqu’à Léon, Eric Serra composera la musique de presque tous ses films. Le Dernier combat signale l’émergence d’un véritable système, mais on le saura que bien plus tard…
Benoît Thevenin
Le Dernier combat
Sortie française le 6 avril 1983
Merci pour cette critique très bien écrite. J’ignorais l’existence de ce film, qui semble, à te lire, bien décrire les origines du cas Besson. Pour cette raison plus que pour le film lui-même, j’ai très envie de le voir.