La Cité de Dieu avait révélé en 2002 le talent d’un cinéaste surdoué, Fernando Meirelles, lequel a depuis confirmé son potentiel avec l’impressionnant The Constant Gardener puis The Blindness, présenté en ouverture de Cannes 2008. Meirelles est toujours là pour cette suite, mais à distance. Le cinéaste n’est là « que » producteur et c’est à son poulain, Paulo Morelli, qu’incombe cette fois la réalisation. Morelli n’est pas, lui non plus, un inconnu.
La Cité de Dieu est devenue une série télé à succès, diffusée jusque chez nous sur France 5. Morelli en avait signé quelques épisodes. La série tirée de ce film a été baptisée La Cité des Hommes, comme le film dont nous nous apprêtons à parler. Ce n’est évidemment pas un hasard, le film pouvant être vu comme son adaptation cinéma, plus que son seul prolongement.
Film coup de poing, La Cité de Dieu impressionnait autant par sa violence que par la maestria d’une mise en scène folle et très tape à l’œil. On comparait déjà à l’époque Meirelles et Tarantino. La Cité des Hommes se démarque d’emblée de son modèle. Le style de Morelli est plus posé, plus sobre, les personnages (issus de la série tv et incarnés par les mêmes acteurs) sont eux-même plus matures, plus réfléchis. Ca n’empêchera pas la violence de faire son œuvre.
Le déterminisme qui condamne les protagonistes de la Cité de Dieu, exerce une influence semblable ici. Pauvreté, criminalité, trafic de drogue régissent la vie dans les favellas de Rio. Cunha (appelé aussi Wallace) et Acé sont deux jeunes adultes de 18 ans à peine, liés par une amitié à priori indestructible. L’un est un chien fou, prêt à tout pour s’en sortir. L’autre n’est pas moins volontaire mais simplement plus réfléchis. L’un est papa d’un bébé qu’il protège, Clayton, et les deux souffrent de l’absence de leurs pères, parce que mort ou en prison.
C’est cette absence des pères qui est au cœur du récit. Cunha et Acé ont du très tôt se comporter en adulte pour les remplacer. Il s’agit pour eux maintenant de ne pas refaire les mêmes erreurs que ces derniers. Pour Acé, les choses sont quand même différentes. Son père à lui est quelque part dans la nature. Et il est bientôt nécessaire de le retrouver.
Acé et Cunha sont en marge des affaires les plus ténébreuses qui hantent les favellas. Eux pensent plus à s’amuser qu’autre chose mais la dureté de leurs conditions les rattrapera tôt ou tard. Leurs trajectoires vont forcément, à un moment ou un autre, les opposer.
La violence est moins omniprésente dans cette Cité des Hommes que dans celle de Dieu. Morelli prend le temps de bien tisser les relations entre ses personnages. L’accent est d’abord mis sur l’affect. Cela n’empêche pas une tension constante. Acé et Cunha ont beaux être relativement sages, ils marchent sur un fil ténu et sont de fait, autant que ceux qui gravitent autour d’eux, soumis aux dangers qui les guettent, aux tentations aussi. La violence est intrinsèque au contexte et risque de surgir à n’importe quel moment.
La Cité des hommes est une formidable suite. Elle est autant dans la lignée qu’en parfait contre point au film de Meirelles. Paulo Morelli est fidèle à une esthétique, à un style très caméra portée. La caméra de Morelli est surtout plus discrète ce qui ne l’empêche pas d’être attentive et d’être toujours au cœur du récit. Faire le deuil des pères est une épreuve qui imposera aux personnages une souffrance certaine. Une fois les comptes réglés, un avenir est néanmoins possible. Clayton, l’enfant d’Acé, a la chance d’avoir un père, et même un parrain. On l’aide pour marcher et traverser la route, sa vie à déjà un sens puisqu’il est un être aimé et protégé. Il n’aura pas à se construire seul.
Benoît Thevenin