Le Secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain) d’Ang Lee (2005)
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Le secret de Brokeback Mountain est l’incontestable favori des prochains Oscars. Et cela pour plusieurs raisons. D’abord, le film se veut novateur dans le sens ou il affronte brutalement et sans détour un thème majeur et largement refoulé de ce genre si typiquement américain, le western. Ensuite parce que le casting est brillant, transcendé surtout par la performance de Heath Ledger mais aussi de Michelle Williams. Jake Gyllenhaal est lui beaucoup plus fade et c’est le seul hiatus dans ce film.
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Il ne faut pas s’y tromper, l’homosexualité des héros, si elle ne paraît être qu’un prétexte, est tout de même l’épicentre logique de la dramaturgie.
Ang Lee, si habitué à mettre en image ce genre de passions troubles, était le plus à même de faire ce film. Certes, Gus Van Sant a été pressenti mais, malgré son extrême talent, il n’aurait très certainement pas fait le même film.
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Il serait un peu simpliste de parler de passion sauvage à cause du contexte géographique de cette histoire. Cela dit, Ang Lee fait de cette nature un personnage à part entière. Elle influe sur les personnages à mesures de ces propres mutations (cf. l’importance du cycle des saisons). Et d’ailleurs, lorsque les deux héros s’arrachent à cette nature, ils ne sont plus tout à fait eux-mêmes. C’est là que la douleur se fait sentir, que les sensations de manques les blessent au plus profond de leur intériorité. Ang Lee projette sur ce film une indéniable influence du taoïsme.
Autour des deux héros gravitent toutes les femmes de leurs vies, ces épouses, ces enfants, qui ressentent le secret et souffrent sans rien dire. Elles encaissent avec une terrible abnégation et font bien plus que de se mentir à elles-mêmes. Bien sûr, le contexte historique, terriblement machiste et homophobe, rend obligatoire ces unions de circonstances. Mais cela va bien au-delà de ça. Ces femmes sont amoureuses et prête à presque toutes les concessions.
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Ang Lee ne fait jamais preuve de complaisance. Sa mise en scène reste sobre, sans grand effet artificiel. Il ne pratique pas la surenchère et reste au contraire très pudique.
Le film a tous les atouts pour séduire l’Académie des Oscars. Il échappe à certains clichés, provoque un questionnement très contemporain et en même temps reste suffisamment grand public pour que, dans le fond, tout le monde s’y retrouve. Il sera récompensé et sans doute à juste titre.
Benoît Thevenin
Le Secret de Brokeback Mountain – Note pour ce film :