Les Regrets de Cédric Kahn (2009)

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Il est amusant de noter à quel point Les Regrets permet un panorama assez large d’un certain cinéma français, du cinéma passionnel français pour fermer quand même un minimum les écoutilles. Le film de Cédric Kahn fait le portrait d’une passion amoureuse, avec ce qu’elle peut avoir d’excessif, et avec un point de départ assez fort, celui des retrouvailles de deux vieux amants des années après. Difficile d’échapper là à la référence à l’un des plus forts films de François Truffaut, La Femme d’à côté, dont on devine qu’il a été une source d’inspiration pour le réalisateur.

On notera par ailleurs une drôle de concomitance, avec la sortie quinze jours avant Les Regrets de Partir, le nouveau long-métrage de Catherine Corsini (dont Kahn avait été le scénariste du précédent film, Les Ambitieux). Là encore, dans Partir, l’adultère et la référence implicite à La Femme d’à côté finissaient pas sauter aux yeux. Et au-delà, ce qui relie aussi les deux films, c’est la présence d’Yvan Attal dans chacun, dans la peau du mari trompé dans le film de Corsini, dans celle du mari trompeur dans Les Regrets

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Pour extrapoler davantage, on se souvient qu’Attal est le réalisateur de deux films centrés sur le couple et ou les notions de fidélité, d’adultère et de passion sont explorées, même si sur un ton léger et comique, et donc très différent…

De cette manière, Cédric Kahn inscrit son film dans un schéma ultra balisé et le défi principal va donc être de s’en extraire. Le réalisateur y parvient car Les Regrets est un film qui lui ressemble et qui inévitablement rappelle au moins deux de ses précédents, les plus réussis d’ailleurs, Roberto Succo et Feux Rouges. Si Les Regrets finit par ressembler tant à ses films c’est parce que le cinéaste se révèle obstinément attaché à un désir de mouvement perpétuel. Les personnages sont constamment en fuite, qui se rapprochent et se séparent, se courent après sans jamais être synchrones. C’est ce qui donne au film son caractère si passionné et romanesque car même s’ils n’arrivent pas à s’aimer en même temps, les deux amants déploient des efforts parfois colossaux pour parvenir à leurs fins.

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La voiture devient alors l’accessoire fondamental des deux personnages. Le souvenirs de Roberto Succo et du très troublant Feux Rouges s’imposent très directement et nous font dire que Cédric Kahn pourrait presque être catalogué comme un cinéaste d’autoroute. Le qualificatif pourrait être perçu comme péjoratif et ce n’est pas là notre idée. Juste, Kahn trouve manifestement dans la voiture un symbole des contradictions qui assaillent ses couples, un vecteur de fuite en avant et en même temps, un endroit exigu et étouffant ou les personnages se retrouvent forcés d’être l’un sur l’autre. Ainsi, Kahn cherche peut-être aussi à échapper à sa référence initiale à Truffaut.

Les Regrets trouve principalement son souffle quand les amants se donnent en spectacle, ensemble ou individuellement. Une des scènes les plus fortes est quand le couple Yvan Attal/Arly Jover implose sur le lieu de travail, devant leurs employés, et sur la base d’un motif anecdotique. Le personnage d’Yvan Attal cède à la passion, s’énerve au delà de l’entendement quand en face de lui son épouse reste posée, rationnelle et commence à prendre la mesure de ce qui lui arrive.

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Le film fonctionne principalement dans ses excès et les acteurs parviennent à en donner la mesure. Eux même sont excessifs. Yvan Attal parle fort et gesticule beaucoup. Valeria Bruni Tedeschi est à son contraire affectée du poids de tous ses tourments. L’un et l’autre acteur ont souvent interprétés se types de personnages mais leur réunion fait ici des étincelles. On arrive à y croire, ils s’opposent assez dans leurs caractères, leur passion et définie de manière suffisamment floue pour que la folie qui les empare nous capte nous aussi. Les Regrets est un film nerveux, fiévreux même, ou Cédric Kahn s’intéresse cette fois directement – à l’inverse de ses autres films ou le couple était pourtant souvent en première ligne – à la question des sentiments.

Le film aurait d’ailleurs tout aussi bien pu s’appeler Les Sentiments… Le titre a déjà été pris récemment par Noémie Lvovsky pour un film qui prenait lui aussi comme point de départ La Femme d’à côté. On y revient encore, soit la preuve que l’amer passion amoureuse des Regrets ne trouve pas fondamentalement son originalité et son goût dans son seul sujet, mais plutôt dans quelque chose de plus sauvage qui tient autant à l’implication très forte des acteurs qu’au style très personnel de son auteur.

Benoît Thevenin


Les Regrets – Note pour ce film :

Sortie française le 2 septembre 2009

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