Adaptée d’une série de bande-dessinées de Denis Lapière et Magda Séron, L’avion permet à Cédric Kahn de changer radicalement de registre après Roberto Succo et Feux Rouges, deux films ambitieux et assez éprouvants, surtout pour le second. Cédric Kahn revient là à une apparente simplicité, un film doux et que l’on pourrait croire naïf, mais qui s’avère finalement incroyablement délicat et donc casse-gueule.
Charly souhaite un vélo pour Noël mais son papa, ingénieur en aéronautique et pilote lui offre un avion blanc qu’il a fabriqué lui-même. Charly ne s’intéresse pas beaucoup au jouet jusqu’au jour ou son papa part pour ne plus jamais revenir, après avoir pourtant fait la promesse de lui ramener un vélo. L’avion change de place seul, à la grande surprise de Charly qui commence à s’intéresser de près au curieux jouet…
Comment aborder la question du deuil avec un enfant de sept ans ? La problématique est lourde et infiniment sensible. La réaction de Charly lorsque son grand-père lui annonce la mort de son papa est déstabilisante « Je peux aller faire mes devoirs » ? L’expérience de la mort, on aimerait dire que les enfants n’ont pas y être confrontés mais tous n’ont pas cette chance. Déjà lorsque l’animal de la famille vient à disparaitre, le choc peut être brutal pour un enfant. La perte du père, elle ne peut pas être concevable dans l’esprit de Charly. Certes il est parti, mais son père n’a apparemment pas souvent été là, à cause de son travail. Il a laissé un mot dans lequel il dit qu’il reviendra alors on peut penser que Charly imagine toujours son père revenir.
La naïveté de Charly n’est en fait pas si grande, mais il ne travaillera pas son deuil de la même manière que les adultes, c’est une évidence. Lorsqu’il revient à l’école, un enfant lui demande très délicatement « c’est vrai que ton père est mort ? ». Charly ne réagit pas. Le monde des enfants est différent de celui de leurs parents. Les enfants sont d’abord sensibles à l’imaginaire, veulent croire à des histoires, à l’instar de son amie Mercedes. On commence par penser que Charly se réfugie justement dans une réalité parallèle pour fuir le drame qui l’affecte, mais le film glisse doucement vers l’extraordinaire.
Cédric Kahn à souvent montré son aptitude à construire ses films à la lisière de différents genres. L’avion de Charly se révèle inquiétant, réagit à ce que l’enfant lui murmure. L’histoire bascule alors vers quelque chose de beaucoup plus grave, même si le ton ne varie pas. Charly se met en danger, surtout aux yeux de ceux qui le voient faire sans pouvoir agir. L’avion lui même se montre agressif, dangereux et incontrôlable. L’esprit de la fable demeure quand même, mais Cédric Kahn injecte assez de sentiments contraires pour que l’on s’éloigne parfois de l’ambiance insouciante et légère du début. La musique nous ramène toujours à l’esprit naïf de Noël alors qu’une grande aventure se déroule, qui inquiète et mobilise le monde adulte, mais qui ne fait que dessiner la quête intime d’un enfant qui doit dire adieu à son père.
Le sujet était particulièrement délicat à traiter mais Cédric Kahn à réussi à trouver le ton et l’équilibre juste. Sur un thème proche, signalons que François Ozon a réalisé quelques années plus tard Ricky. Les deux films se retrouvent en de nombreux points communs et sont à voir tous les deux.
Benoît Thevenin
L’avion – Note pour ce film :
Je les aime beaucoup beaucoup tous les deux…