There will be blood de Paul Thomas Anderson (2008)

Lors de notre rencontre avec Paul Thomas Anderson, nous avions conscience, alors même que nous n’avions pas encore vu There Will be Blood, d’être face à un authentique génie. Il y avait de quoi être impressionné et nous l’étions. Quelques heures après, à l’issue de la projection du film, nous étions encore époustouflé par la grandeur manifeste de ce chef d’oeuvre certain.

Il y aura du sang. La promesse du titre n’est pas déçue mais ce n’est pas à proprement parler l’idée du film. Paul Thomas Anderson dresse en un peu plus de deux heures le portrait d’un pétrolier pionnier dans son domaine, et dont la foi en l’humain est ébranlée par des convictions plus clairement identifiables et matérialisées par le pétrole et les dollars qu’il rapporte. Au sens strict, Daniel Plainview a depuis longtemps avant le début du film vendu son âme au diable.

La toute première image du film, le son strident qui l’accompagne, nous saisissent pour ne plus jamais nous lâcher. Suivent dix minutes pendant lesquelles un groupe d’hommes va réussir à faire couler au fond d’un puit le pétrole qu’ils cherchaient là. En contre-jour et en contre-plongée, quelqu’un lève un bras vers le ciel, manifestant le succès de sa quête. Daniel Plaiview (Daniel Day Lewis) est cet homme poisseux que l’on retrouve bientôt vêtu des plus beaux habits pour faire de la politique auprès de fermiers illettrés. La force de son élocution, les promesses qu’il tient auprès d’eux, lui permettront bientôt d’acquérir chacune des ces terres, de les exploiter, de les faires fructifier etc. Un jeune homme (Paul Dano) viendra bientôt à lui pour attirer son attention sur un autre domaine…

Daniel Day Lewis développe un charisme absolument inconcevable, même en regard à ces précédents films. Et c’est là la première force du film. Ce personnage incarne la grandeur de ceux qui ont fait l’Amérique à la force du poignet. Tout en lui est noir : le regard autant que le corps suinteux et souillé par ce mélange de poussières texane et de pétrole. Face à lui, une autre incarnation de l’âme profonde du peuple américain. Paul Dano élève son jeu à celui de Day Lewis incarnant un inquiétant prédicateur (Eli Sunday) littéralement habité par la foi. Les deux personnages concentrent autour d’eux des séquences d’une intensité absolument phénoménale. Vous serez cloué à votre fauteuil. Chacun prêche pour une paroisse en apparence antagoniste à l’autre. Plainview promet le progrès, l’essor économique et fait de la politique pour mieux garantir le fruit de ses affaires. Eli confronte celà à des repères idéologiques qu’il propose lui même. Mais rien n’est aussi figé que cela. Plainview et Eli Sunday se ressemblent bien plus qu’ils ne veulent l’admettre, tout simplement parce que l’un ne peut renier ses conviction personnelles sans sombrer, de même que l’autre ne peut renier l’argent pour s’affirmer davantage.

L’équilibre, Daniel Plainview le trouve auprès de son fils d’abord. Le basculement intervient d’ailleurs au moment précis ou le drame affecte ce noyau familial. Un drame qui met en lumière la prédominance naturelle pour Plainview des affaires sur l’humain. Mais une fois les affaires consolidées, la famille reprend en surface le dessus. Le destin de son fils va dès lors affecter durablement, jusqu’à la fin même, son sort personnel, jusqu’à précipiter son déclin. Lorsque le fils disparaît brièvement, un frère fait son apparition qui permet d’entretenir cette fibre familial, seul rempart contre sa folie. Daniel Plainview est un être qui porte la tragédie en lui parce qu’il a sacrifié son âme au profit de la seul chose qu’il sait finalement faire, exploiter le pétrole des terres. Cette tragédie, il en a conscience comme nous le prouve cette séquence-monologue au coin du feu dans laquelle il commente sa haine de l’humain, mais elle le tiraille, elle le détruit peu à peu.

There will be blood est un film somme, un authentique tour-de-force cinématographique. Paul Thomas Anderson adapte sa mise en scène à son sujet mais elle reste ambitieuse, audacieuse et pourtant discrète. La photo de Robert Elswit, la musique de Jonny Greenwood s’accordent et participent à cette grandeur incarnée à l’écran par Paul Dano et Daniel Day-Lewis. Le cinéma dans ce qu’il a de plus noble, de plus puissant.

Benoît Thevenin


There Will Be Blood – Note pour ce film :
Sortie le 27 février 2008


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