Détention secrète (Rendition) de Gavin Hood (2007)

La combinaison du souvenir désastreux de Mon Nom est Tsotsi (précédente réalisation du sud-africain Gavin Hood, et un film pourtant nommé à l’Oscar du film étranger) et une affiche sans doute la plus laide depuis perpète , ne donnait guère envie de s’enfermer dans le piège de cette Détention secrète. Le film avait heureusement pour lui une assez bonne réputation qui pouvait laisser l’espoir de voir un film intéressant. Détention secrète n’est ni abjecte, ni fabuleux et a au moins ça pour lui : un propos d’actualité, une certaine intégrité et une réelle volonté de donner aux spectateurs l’opportunité de se poser quelques questions utiles et importantes.

Le titre original du film, Rendition, fait référence à la loi du même nom votée par le Congrès sous la présidence de Bill Clinton. Elle autorise la C.I.A à faire emprisonner des prisonniers politiques à l’étranger et sous le couvert du secret défense. Le film nous dit que la loi en question fut rarement appliquée jusqu’à ce que l’ordre du monde change un certain 11 septembre…

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Le pitch du film est donc assez simple en apparence. Un chimiste américain d’origine égyptienne est arrêté à l’aéroport de Chicago après qu’un attentat ait provoqué la mort au Pakistan de femmes, enfants et – pire encore – d’un agent des services secrets américains. Soupçonné de complicité avec le responsable présumé de l’attentat en question, il est interrogé clandestinement aux USA avant d’être envoyé secrètement dans une prison pakistanaise ou les autorités locales auront toutes latitudes pour le questionner à leur tour… Là ou l’affaire coince, c’est quand l’épouse américaine du scientifique comprend que son mari à disparu dans la nature et sollicite l’aide d’un ami de fac, lequel travaille pour un important sénateur.

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Détention secrète raconte donc le combat d’une femme pour retrouver son mari qu’elle est convaincue d’être innocent. Le film pêche cependant par une trop forte caractérisation de certains personnages : L’épouse (Reese Witherspoon), à la très ostensible grossesse, porte symboliquement en elle tout l’enjeu du film (libérer un père de famille pur et innocent) en même temps que le fait d’être enceinte accentue l’idée de son courage et de sa volonter à toute épreuve d’obtenir justice. Le personnage joué par Jake Gyllenhaal incarne lui la conscience morale du film. Les ficelles de la résolution du film passent par lui et sont trop grosses pour être crédibles. Mais celà fait partie de l’efficace narration du film. Le scénario tisse deux intrigues parallèles qui se réunissent dans un final relativement assommant.

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Reste maintenant à évoquer la partie la plus passionnante de ce film. Il y a quelques semaines, Meryl Streep jouait le rôle d’une journaliste intégre face au très cynique sénateur Tom Cruise dans le pamphlet de Robert Redford Lions et Agneaux. Cette fois, Meryl Streep passe du côté adverse et campe un personnage qui pourrait très bien être le Tom Cruise du film de Redford, au féminin. Meryl Streep incarne tous les enjeux d’une Real Politik dont l’équipe républicaine en place à Washington autour de Bush Jr à vite décidé de la ligne de conduite. L’actrice est encore excellente dans ce rôle là. Il faut la voir expliquer que la torture est une pratique condamnée par les Etats-Unis ou encore exposer son idée qu’il vaut mieux sacrifier un homme dont l’innocence est incertaine au nom d’une lutte contre un terrorisme qui lui ne compte pas ses victimes. Tout l’intérêt du film passe réellement par ce personnage là et c’est ce qui fait de Détention secrète un film plus estimable qu’il ne laissait paraître.

Benoît Thevenin


Détention Secrète – ma note pour ce film :
Sortie française le 9 janvier 2008

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