CasaNegra de Nour-Eddine Lakhmari (2009)

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Deux jeunes chomeurs vivent de petits larçins et rêvent chacun d’un idéal innacessible dans les rues sombres de Casablanca.

Le titre résulte d’un jeux de mots que s’autorise un personnage et qui sera répété constamment toute la durée du film. Les héros sont conscients de la misère sociale qui les affecte, d’où CasaNegra, « la maison noire », en opposition à Casablanca la blanche. Le cinéaste joue sur cette opposition, livre un film en couleurs mais bel et bien en noir et blanc, la nuit de la ville contre les murs blancs des bâtiments.

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CasaNegra, sortit en fin d’année 2008 au Maroc, est devenu, au-delà de son succès populaire, un véritable phénomène de société. Il faut dire que le film, malgré ses défauts, ne manque pas de courage, de volonté et d’enthousiasme. Le cinéaste dresse le portrait d’une ville et de sa jeunesse, loin des préjugés habituels. Il ne sera jamais question d’Islam dans ce film, et vous ne verrez pas non plus de charmeurs de serpents ou des marchands de tapis.

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Nour-Eddine Lakhmari montre plutôt la face cachée de Casablanca, une ville qui comme toutes les villes du monde voit coexister facade luxueuse et déchéance. Les deux héros ne sont pas seulement de petits voyous désoeuvrés, ils arpentent des rues ou l’on croise clochards, prostituées, ivrognes et drogués. Un fils ose lever la main sur son beau-père. Sa femme, qu’il bat, finira par s’enfuir malgré la crainte des préjugés dont elle sait qu’elle va être assaillit bientôt. Il est même question de travestissement et d’homosexualité.

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La liste est longue des motifs plus ou moins tabous que les autorités marocaines ont longtemps voulu cacher et qu’ils ne doivent toujours pas apprécier de voir révéler. Certes, toutes ces problématiques ne sont jamais creusées, juste effleurées le court instant d’une rencontre. Le réalisateur arrive quand même de cette manière là à raconter la rue de Casa, sans donner l’impression non plus d’en faire l’inventaire, pour ce qui est un signe important de l’émancipation d’une société marocaine très méconnue, surtout en France peut-être.

Ghita Tazi

Nour-Eddine Lakhmari a donc réussi un véritable film-symbole. Pour autant, le film n’est pas non plus parfait dure 2h15 quand il pourrait faire une demi-heure de moins. Il y a un problème de rythme car certaines séquences n’apportent rien au récit, d’autres sont répétitives, ou encore parce que le cinéaste pêche parfois à vouloir surligner absolument par l’image une idée déjà assimilée par le dialogue. Le scénario est également cousu de fil blanc et ne surprend ainsi jamais, sauf par sa volonté très soignée de ne pas aller trop loin dans la violence.

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Il ne se repose pas non plus sur des références extérieures, sur les codes du cinéma américains comme c’est souvent le cas dans ce genre de film. Nour-Eddine Lakhmari affirme l’identité de son travail.  CasaNegra révèle une société en mouvement, une jeunesse qui s’active, qui vit et qui rêve. Le cinéaste les filme quasi constamment en contre-plongée, comme pour signifier qu’ils ne laissent pas écraser par la ville, qu’ils ont cette dignité là de ne pas se laisser exploiter et de voir au contraire toujours assez grand. Au début, un des deux héros imagine le paradis en Suède, là ou il souhaite évidemment s’en aller pour fuir son noir quotidien à Casa. Et puis autant par fatalisme que parce qu’il se rend compte aussi que sa vie dans la ville n’est pas si désespérée, il envisage de nouveau de rester. Ca n’a l’air de rien, mais c’est tout le propos. Le signe est même assez fort. Casanegra parle de liberté, montre les aspects les moins reluisants de la société marocaine mais insuffle assez d’espérance pour que l’on prenne conscience que rien n’est figé à jamais. C’est peut-être cette idée là que les marocains ont bien reçus et qui expliquerait que le film ait aussi bien touché son public.

Benoît Thevenin


CasaNegra – Note pour ce film :

Sortie française le 21 octobre 2009

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