Un professeur d’histoire quarantenaire cherche un nouveau sens à sa vie. Sa femme lui conseil de partir se changer les idées à Paris. Au moment d’embarquer, il change d’avis. Il se fait engager sur un chantier de Tel-Aviv parmi un groupe d’ouvrier clandestin…
Janem Janem, que l’on pourrait traduire par « Mon âme, mon âme » emprunte son titre à une chanson qui, d’ailleurs, conclut le film. Janem Janem est surtout le huitième film de son réalisateur, Haim Bouzaglo, et le second d’une trilogie entamée avec Distorsion (sortie France le 22 novembre) et dont le troisième volet est actuellement en cours de montage.
Janem Janem, chaleureux et humaniste, prend à revers l’image que les occidentaux ont généralement d’Israël. Rencontre avec le cinéaste.
Laterna Magica : Dans quel esprit avez-vous conçu cette trilogie ?
Haim Bouzaglo : On était en pleine Intifada et je sentais qu’il fallait que je réagisse sur le vif. Les évènements vont très vite et si on ne fait pas le film tout de suite, on passe à autre chose. Cela dit, je n’ai pas voulu faire un film politique mais plutôt raconter la façon dont les violences en Israël peuvent peser sur la vie quotidienne des gens. Par exemple, le fait dans ce film qu’une femme explique ne pas vouloir d’enfant à cause de la peur de ce qui se passe. C’est une idée qui est partagé par beaucoup de femmes ici. Quand à Eldi, le prof d’histoire héros du film, s’il décide de faire le point sur sa vie, c’est en relation directe avec les évènements qui se jouent.
Vous filmez presque exclusivement vos personnages en plan serrés. On a ainsi l’impression que toute cette communauté d’immigrés est entièrement refermée sur elle-même, cloisonnée, qu’ils sont exclus de la société.
Ma caméra est effectivement très proche des acteurs. J’ai décidé de faire parler les visages. On ne voit pas le monde autour, les visages parlent plus. Et l’on sent qu’une famille se crée, que le monde autour compte moins.
En Israël on a l’habitude de cacher les choses, les nier. J’ai une anecdote à ce propos. Un jour je suis aller retirer de l’argent à un distributeur. Je suis partit et cinq 5 minutes après, une bombe explosait. Le lendemain je me demandais si j’aurais le courage de retourner à cet endroit pour retirer encore de l’argent. Finalement, j’y suis allé. C’est très Israélien ceci. On oublie vite pour passer à autre chose, on refuse de voir l’évidence. On peut très bien avoir la guerre au Liban et, tout à côté, bronzer sur la plage… Ainsi le problème des immigrés existent chez nous comme dans beaucoup de pays. On a tendance à se voiler la face et à ne pas les voir. J’habite à Tel-Aviv et il y a un quartier ou les immigrés vivent ensemble. Ils sont mal traités, le quartier perd son âme. Les Israéliens ne vont pas dans ce quartier. Malgré tout, ce que l’on voit dans mon film c’est que le héros va trouver dans cet endroit de la chaleur, de la solidarité, ce qu’il n’avait plus chez lui dans sa belle maison froide.
Dans votre film, vous faites une description très précise de ce milieu, quasi documentaire. Comment avez-vous procédé ?
J’ai passé beaucoup de temps avec eux c’est vrai. Et la plupart des acteurs sont de vrais travailleurs. On a tourné dans les lieux ou ils habitaient. Eux étaient heureux de jouer. De même, quand j’ai demandé l’autorisation de tourner à la police, eux aussi ont voulu participer et se sont laisser prendre au jeu. Ainsi tout est réel, les décors, les personnages etc. Vous savez, à cet endroit, il y a déjà eu quatre attentats…
Propos recueillis à Paris par Benoît Thevenin, le 02/11/2006