Depuis son Jeanne D’arc, on ne peut pas dire que Besson se soit fait oublier mais en revanche, peut-être certains se sont-ils demandés s’il était toujours cinéaste.
Angel-A apporte la réponse. Le film a de quoi surprendre car ce n’est sûrement pas une superprod’ comme Besson nous a habitué à en faire et à en produire. Son film est atypique comme il se plait à le dire mais c’est aussi peut-être en cela qu’il peut aussi décevoir.
Angel-A confirme d’abord le talent de Besson pour composer de jolies images… Dans les années 80, l’émergence de cinéastes comme Besson, Beineix ou Carax avait provoqué une petite révolution dans le paysage cinématographique français. On parlait alors de Nouvelle Nouvelle Vague pour désigner ces cinéastes, jeunes, audacieux et qui montraient des films avant toutes choses visuels.
Nombreux sont ceux qui ont fustigés les maladresses de ce cinéma là. Et vite, Besson est devenu une sorte de bouc émissaire. Les journalistes pointent la naïveté de son travail et la vacuité de son propos, même si d’un point de vue formel il fascine. L’énorme succès populaire du Grand Bleu va donner raison à Besson.
Il a été tant meurtrit par les critiques contre Le Grand Bleu que depuis il se tient à distance des médias et cultive l’art du secret. Il s’est placé dans une position de défiance.
Besson (et sa société de production Europa Corp.) a gagné assez d’argent ces dernières années pour qu’il puisse se permettre de ne pas toujours trop compter et de faire le film qu’il lui plait de faire. Ainsi, Angel-A est ce film, un objet curieux, inattendu, tourné dans le plus grand secret …
On y retrouve tout ce qui a toujours fait le cinéma de Besson, une profonde naïveté, potentiellement touchante dans quelques uns de ses films, mais qui ici ne passe pas du tout.
Angel-A, reprend le pitch de départ de La Vie est belle de Capra mais peut-être se situe t’il plutôt à la croisée des chemins de deux très grands films très différents l’un de l’autre. A Amélie Poulain, Besson emprunte une certaine vision carte-postale de Paris. Le film est effectivement une magnifique publicité pour la ville, ses monuments, ses ponts. A Amélie Poulain, Besson emprunte aussi cette idée d’un ange venu s’immiscer dans la vie d’autrui pour mieux l’embellir.
Besson fait aussi de Paris, ce Berlin des Ailes du désir de Wenders. Angel-A c’est d’ailleurs sûrement Les Ailes du désir vu du point de vue humain et non plus celui des anges. Car dans le fond, il s’agit de la même histoire.
Besson n’arrive cependant pas à transposer ces choses essentielles aux deux films, la magie et la poésie. Au contraire… Besson tombe dans la vulgarité et décrit des situations assez limites d’un point de vue éthique au prétexte d’un humour de très mauvais goût. Le couple Jamel Debbouze/Rie Rasmussen ne marche pas du tout, est bien trop mal assorti, même s’il on devine que c’était la volonté de Besson d’associer deux personnages à ce point différents. Le pire est qu’on ne comprend pas toujours tout des paroles de l’ange. Rie Rasmussen articule mal et elle surjoue en permanence. A contrario, Jamel est plutôt convainquant. On pourrait en dire autant de quelques excellents seconds rôles (Serge Riaboukine, Gilbert Melki) mais a eux seuls il ne peuvent sauver le film du naufrage.
Angel-A est un film faux. Sa naïveté le dessert, la relation entre les personnages principaux n’est jamais vraiment crédible, le scénario très prévisible. On en revient à la problématique des années 80, au début de la carrière de Besson, d’un cinéma d’images mais sans idée, sans contenu et simplement publicitaire. Avec Angel-A nous ne pouvons guère nous enthousiasmer que pour la photo de Thierry Arbogast dans un noir et blanc sublime et sophistiqué. Le sens visuel de Besson est toujours intact. Caa ne suffit pas, tout le reste est néant et désolation.
Benoît Thevenin