Pour subvenir aux besoins de sa famille, la jeune Griet est engagée comme servante chez Vermeer, le célèbre peintre hollandais. Elle va lui inspirer l’un des plus fameux tableau du maître, La jeune fille à la perle.
Inspiré d’un roman de Tracy Chevalier, le film fantasme ainsi la genèse du tableau. Il est aussi le prétexte à un formidable hommage à Vermeer. La minutie de la mise en scène et surtout de la photo d’Eduardo Serra font de ce film un tableau permanant. Ne serait-ce que pour le plaisir visuel, ce film est une perle.
Au-delà, le réalisateur Peter Webber travaille avec une remarquable justesse es relations entre les personnages. En cela, Webber réalise aussi un authentique hommage au cinéma. Et tout simplement parce qu’il en justifie sa simple existence en travaillant sur les jeux de regards, la chorégraphie des corps, les attitudes et les non-dits… Un peu à la manière de Sofia Coppola, précédente employeuse de l’étincelante Scarlett Johansson, Webber joue le jeu de la subtilité et construit son histoire comme un poème platonique.
La tension sexuelle est omniprésente mais jamais Vermeer ne cédera à la tentation de tromper sa femme. Cela dit, la perspective de l’adultère est un danger qui plane tout au long du film. Voila qui renforce minute après minute la rancœur et même la haine quasi viscérale de Mme Vermeer envers Griet.
Pour l’artiste, mettre en scène un modèle est une manière de posséder autrement que sexuellement ce modèle, l’objet de son désir. Les regards de Colin Firth (Vermeer) sur Scarlett Johansson rendent particulièrement bien compte de cette règle. La jalousie persistante de Mme Vermeer le confirme. Une atmosphère érotique englobe ainsi tout le film et le climax est atteint lorsque le peintre perce l’oreille de son modèle pour y accrocher la perle. Il n’y a pas d’acte sexuel à proprement parler mais tout réside ici dans le symbole très fort que représente cette scène. Le mâle dominant pénètre la chair de la jeune fille. C’est limpide. Le personnage de Griet ne s’y trompe d’ailleurs pas. La petite mort qu’elle vit avec son prétendant est un signe de la maturité qui est maintenant la sienne. Elle sait ce qu’elle va dévoiler et offrir au peintre. Elle ne peut accepter d’être violée, même symboliquement, alors elle exorcise l’acte avant.
Un autre sommet d’érotisme est atteint lorsque Vermeer découvre la chevelure de sa protégée. Un tabou est ici brisé. La chevelure est un autre symbole très puissant de l’érotisme, surtout dans le contexte religieux de ce XVII ème siècle. La scène de l’essai du foulard est donc une authentique scène de viol qui résonne en écho à la tentative que fait le mécène de Vermeer d’atteindre à la pudeur de Griet. Celui-ci aussi ne s’y trompe pas. Il finance le travail du peintre pour posséder autrement que sexuellement les modèles. Il est artiste par procuration. Il désir à travers le désir des autres. Quand Griet lui échappe, il ne peut que se résoudre à la forcer de se donner à lui.
La jeune fille à la perle est le récit d’un amour platonique. C’est dans les silences et les regards que la lutte amoureuse se joue. Webber manipule cette relation avec une grâce enchanteresse. Il ne montre rien mais dévoile tout. Un vrai film de cinéma. L’écho au Lost in Translation de Sofia Coppola. Scarlett Johansson a bon goût.
Benoît Thevenin
La Jeune fille à la perle – Note pour ce film :