Le cinéma d’animation recèle de trésors actuellement. 2009 est même une année particulièrement riche de ce point de vue. A l’affiche depuis quelques semaines déjà, Mary et Max. nous parvient d’Australie, berceau également d’un des films les plus intéressants de ces derniers mois, Le Sens de la vie pour 9.99$ de Tatia Rosenthal. Ce film et celui d’Adam Elliot n’affichent pas seulement le même pavillon, ils sont deux longs-métrages d’une profondeur humaniste quasi insoupçonnée, conçus selon des techniques rudimentaires en claymotion (image par image). Le travail que représente un tel long-métrage est absolument titanesque, ce qui explique ce délais de six ans entre l’Oscar du court-métrage d’animation reçu par Adam Elliot en 2003 avec son film Harvie Krumpet, et la livraison de Mary et Max.
Ce qui relie Le Sens de la vie pour 9.99$ et Mary et Max., c’est aussi cette noirceur qui colle au propos des deux films, une noirceur qui n’affecte pas leurs beautés tant ils sont riches d’idées, de poésies et d’un certain humour.
Mary et Max sont deux personnages solitaires que rien ne prédestinaient à ce qu’il se rapprochent un jour d’une quelconque manière. Mary est une petite de 8 ans très complexée par une tâche de vin sur son front et qui vit en Australie. Max habite lui à New York, il est un vieil homme, déficient mental, qui souffre du regard des autres et de son propre regard sur lui-même. Selon un drôle de hasard provoqué par Mary, ils vont correspondre longtemps…
Le personnage de Max rappelle beaucoup celui de Harvie Krumpet. Dans son court-métrage, Adam Elliot racontait l’histoire entière (ou presque) de la vie de cet homme simple, amené à fuir un jour la guerre et sa Pologne natale pour rejoindre l’Australie. Le réalisateur décline son principe à l’histoire de Mary et Max, même si la distance qui sépare les deux personnages tardera à être parcourue. L’idée du voyage est quand même là, l’idée de la distance, de l’ici et de l’ailleurs… Surtout, à l’instar d’Harvie Krumpket, l’histoire de Mary et Max. se construit sur une période longue de plusieurs décennies.
Comme pour Harvie Krumpet, l’histoire est racontée par un narrateur en voix-off. Sa présence est telle qu’il en devient un personnage à part entière, bien qu’il ne s’échappe jamais de sa condition de simple narrateur. Il devient le relais entre Mary et Max, favorise une distanciation par rapport aux souffrances intimes dont sont victimes les personnages. Le tragique rôde, mais Adam Elliot, par son narrateur, échappe au piège du sordide. Il s’en sort par des idées simples et attachantes légitimées par le fait que les deux personnages sont deux grands naïfs.
Mary et Max semble un film d’une terrible noirceur, affecté par cette voix off si lourde, et cette esthétique noir et blanc qui ne paraît pas inspirer la fantaisie. Ce préjugé ne tiendra pas la route longtemps, car si l’histoire que nous raconte Adam Elliot est marquée par le sceau de la fatalité, le réalisateur aime assez ses deux personnages pour embellir leurs vies. Mary et Max partent de zéro, n’ont aucune estime d’eux même, mais à mesure de leurs échanges épistolaires, ils se construisent, ils se révèlent à eux même et trouveront ainsi la voie pour une certaine émancipation.
Mary et Max est une sublime surprise, un film précieux qui sonde intelligemment les affres de l’âme humaine et qui réussit à nous émouvoir sans jamais recourir au pathos. L’histoire est simplement belle, subtile et d’une richesse humaniste rare. L’émotion surgit naturellement, parce que la sincérité du réalisateur n’est jamais prise en défaut. Oui, nous avons véritablement là affaire à un chef d’oeuvre.
Benoît Thevenin
Mary et Max – Note pour ce film :
Sortie française le 30 septembre 2009
Merci pour cette critique, qui retranscrit mieux que je n’ai su le faire la qualité de ce film d’animation.
J’avais peur d’abuser de superlatifs, mais je me sens désormais conforté dans mon opinion : Mary et Max est un chef d’œuvre, il n’y a rien à ajouter, rien à enlever. Parfait.
L’intrigue m’a interpellé, même si en un sens elle est proche de UP!, mais j’imagine bien que le traitement est tout autre…
SysTooL
C’est vrai, je n’y avais pas pensé, il s’agit de la même sorte de duo, un gosse solitaire et un vieil homme solitaire. Après, en effet, les deux films n’ont rien à voir l’un avec l’autre, si ce n’est cette petite coïncidence 😉
Il parait en effet que c’est magnifique
Vivement que je puisse le voir