La Femme de Seisaku est une œuvre d’une force émotionnelle incontestable. Réalisé par Yasuzo Masumura en 1965, à l’époque dans l’ombre du grand Mizoguchi, ce film raconte une histoire d’amour littéralement passionnée dans le contexte de la guerre Japon-Russie du début du XXème siècle. Les traditions en prennent pour leur grade.
Seisaku est un militaire fraîchement décoré qui revient en héros dans son village. Il tombe amoureux d’Okane (Ayako Wakao), jeune et belle femme dont le vieux mari à qui elle a été vendue vient de mourir. Ils tombent amoureux. Alors qu’Okane est jalousée pour sa beauté, maudite parce qu’elle plait à Seisaku et rejetée aussi pour des principes moraux, la liaison qu’ils entretiennent scandalise.
Masumura capte l’essence même de la sensualité qui se dégage de cette relation amoureuse. Au- delà de toute rationalité, ce sera à la vie à la mort. Ainsi se justifie l’ambiance mélodramatique, la bande son aux accent funeste etc. Dès le début, le spectateur saisit les enjeux dramatiques, l’irrémédiable fatalité qui se joue, se noue entre les protagonistes. Masumura ne fait aucun mystère mais capte l’attention avec un lyrisme et un romantisme désespéré qui font de ce film une œuvre d’une grande richesse, tant formelle que scénaristique. La séquence ou Okane se crève les yeux par amour, pour contraindre celui qu’elle aime à ne pas retourner au front, est d’une intensité rare. Il y a aussi cette conclusion tragique, aussi prévisible que brillante. Un authentique chef d’oeuvre, brutal, fascinant et ultra sophistiqué, qui vous hantera longtemps. Laissez vous emporter par cette rage et cette folie !
Benoît Thevenin
« C’est en prenant la femme comme sujet central qu’on peut le plus facilement exprimer l’humanité. L’homme est un être complètement dépourvu de liberté. Sans doute parcequ’il n’enfante pas. L’homme est obligé de penser à l’honneur, à la vérité. C’est un animal qui ne vit que pour la femme. C’est donc pour toutes ses raisons qu’il n’est pas intéressant de dépeindre des hommes (…) Il n’y a rien de plus inintéressant qu’un homme viril… Pour exprimer l’humain, il n’y a que la femme. Ce n’est pas pour exprimer la femme que je choisis la femme… Je ne suis pas un spécialiste des femmes comme Mizoguchi. »
(Propos recueillis en 1969 à Tokyo par Aoi Ichiro, Shirai Yoshio et Yamada Koichi et repris à partit du journal du festival des cinémas d’asie de Vesoul)
La Femme de Seisaku – Note pour ce film :