[Rec] 2 de Jaume Balaguero et Paco Plaza (2009)

Carton au box-office espagnol, [Rec] apporte la preuve que l’horreur peut s’offrir à un assez  large public. Le film n’est pas seulement gore, il applique une mécanique de la terreur précise, parfaitement menée et d’une efficacité redoutable. Pour nous, [Rec] est avec The Descent de Neil Marshall, la plus grande réussite du cinéma d’horreur de la décennie…

[Rec] a engendré un remake américain, En Quarantaine, sortit directement en vidéo chez nous mais qui, on vous le garanti, vaut vraiment la peine que l’on s’y intéresse. La suite que nous propose maintenant les deux cinéastes, Jaume Balaguero et Paco Plaza, est peut-être une nécessité commerciale mais le fait même que les réalisateurs s’acquittent eux-même de la charge tend à prouver qu’ils ont encore de la réserve et une volonté d’offrir de nouveau un spectacle horrifique satisfaisant. On verra plus tard si cela se vérifie…

Le film débute sans préambule mais en prolongeant le principe de mise en scène immersive qui fait un peu l’originalité du premier film, et qui surtout permettait une gestion presque inédite de la terreur. Une équipe du GIGN espagnol est dans le fourgon qui les conduit vers l’immeuble où le virus s’est propagé et est resté, jusqu’à preuve du contraire, confiné. Le commando est dirigé par un homme de pouvoir, dont on ne perçoit pas immédiatement qu’elle est sa réelle affectation. Comme dans [Rec]1, une obsession anime les personnages : tout filmer.

Balaguero et Plaza ont effectivement de la suite dans les idées, sauf que la mécanique s’épuise d’elle-même assez vite, en une demi-heure montre en main. Sur la durée (1h20), [Rec]2 finit par ne plus intéresser du tout, par ne plus surprendre, encore moins à nous effrayer et pour couronner le tout, finira même par être pénible, grotesque et risible…

Reprenons les choses dans l’ordre. L’équipe du GIGN investit les lieux. Ils sont armés et à la recherche d’une antidote qui empêchera la propagation de la contamination. La montée en tension s’opère très doucement, les personnages sont sous pression et c’est bien légitime. La première attaque survient soudainement, assez pour surprendre le spectateur, le faire bondir peut-être, voir le saisir à la gorge pour les plus sensibles. L’effet est vraiment réussit, parce que les cinéastes ont l’ingéniosité de faire surgir la menace par le seul bord du cadre duquel rien n’est déjà vraiment venu, et auquel on ne s’attend pas à ce que quelque chose arrive.

A partir de ce premier pic de terreur pure, dans le même esprit que ce que chacun à pu ressentir face à [Rec]1, cette suite va basculer très rapidement. Dans un premier temps, nous nous retrouvons littéralement immergés dans un jeu vidéo FPS. Caméra subjective, zombies qui apparaissent brutalement dans le champ et des policiers qui tirent sur tout ce qui bouge. Ce n’est déjà plus [Rec] tel qu’on s’y était habitué jusqu’alors et ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Le principe exutoire prend le pas et ça fonctionne assez.

Les réalisateurs atteignent cependant rapidement leurs limites. La réussite de [Rec] provenait aussi du fait que les personnages principaux débarquaient dans un Enfer auquel ils ne s’étaient pas préparés. Le spectateur invité à les accompagner n’en savait pas plus qu’eux sur la réalité de la menace et ce manque d’information participait du brouillage de tous les repères possibles, facilitait ainsi la possibilité d’une peur.  Cette fois, de nombreuses informations sont distillées à l’adresse du spectateur. Le soucis des cinéastes est de légitimer la rentrée d’une nouvelle équipe dans cet immeuble alors que l’initiative pourrait sinon vite apparaître comme invraisemblable. Balaguero et Plaza s’amusent alors à construire la mythologie de cet immeuble, à partir des éléments qui nous étaient déjà parvenus à la fin du premier film. Le trop plein d’informations qui va nous arriver là est autant légitime qu’il perturbe la mécanique du film. Les cinéastes commencent à délirer et imposent une classique opposition entre chrétienté et esprit démoniaque. Le religieux s’imprime sur les évènements, au risque de perdre l’adhésion d’une partie du public, bien que l’on ait conscience d’être dans un film espagnol, et que l’Espagne est un pays à la culture catholique très forte, bien plus marquée sans doute que ne l’est la France contemporaine. Bref, admettons cette orientation, elle n’est pas en elle-même responsable de la désintégration du film.

Les cinéastes adoptent un autre parti-pris, celui de la multiplication des caméras et donc des points de vues. Le principe rappelle Diary of the dead. On démarre avec le point de vue d’une seule caméra, mais à mesure que la contamination se propage, les caméras elles-même se multiplient. Romero gérait cette idée à merveille et contournait ingénieusement le schéma déjà éculé des documenteurs horrifiques en caméra subjective. Dans [Rec]2, on arrive pas au même constat. Cette multiplication des caméras insinue plutôt la certitude d’un aveu d’impuissance. Les cinéastes ne savent plus comment renouveler leur approche alors ils recourent à un effet artificiel, injecte un « oeil » neuf comme on injecte du sang neuf.

Balaguero et Plaza se heurtent là à une difficulté supplémentaire qu’ils ne vont plus complètement maîtriser. D’une part l’action devient prévisible du fait même de cette multiplication des points de vues, et d’autre part, ils s’autorisent aussi l’entrée dans l’immeuble d’un nouveau groupe de personnages. C’est là que le film devient irritant et perd tout son souffle. Les nouveaux entrants sont un groupe d’ados têtes à claques, inconscient de la nature du danger qu’ils défient. Leur arrivé dans le déroulement du film coïncide avec le basculement volontaire dans une seconde partie assez radicalement différente de tout ce qu’on a déjà vu en un film et demi. Cette fois c’est le grand n’importe quoi, les cinéastes ne s’intéressent plus à l’efficacité de leur mise en scène proprement dite, mais privilégie le scénario. Ils tentent de surprendre en ménageant quelques révélations, quelques retournement, à la manière d’un classique thriller ou survival, ce que [Rec] n’est pas à la base. Le problème c’est que ce changement de méthode n’est vraiment pas satisfaisant.

[Rec] avait l’allure d’une attraction artisanale dans un parc d’attraction. [Rec]2 se rapproche lui d’un simple jeu vidéo. L’attraction provoque des montée d’adrénaline différente des jeux vidéos, lesquels induisent plutôt un plaisir jubilatoire. La différence entre les deux films et vraiment de l’ordre de ce rapport là. [Rec] 2 est en plus trop écrit, prévisible, grotesque, et finalement, donc, terriblement décevant.

On note quand même quelques scènes excellentes : la première agression surgit de nulle part, le suicide d’un personnage acculé, des têtes explosées au fusil à pompe, la scène de la fusée, la transmission du démon… On regrette que ces instants forts se diluent dans un trop plein de vide, car les cinéastes se perdent en cour de route, se rendent compte que leur film s’essouffle et que la mécanique ne fonctionne plus. Ils ont beau faire tous les efforts pour insuffler un sens nouveau à leur travail, rien ne marche vraiment et nous constatons leur impuissance.

On se dit aussi que la déception est à la hauteur de l’enthousiasme qu’avait généré chez nous l’expérience de [Rec]. L’échec de la suite est relatif, le film est seulement inégal et comme malade, ce qui est certes très dommageable . Il reste un film d’horreur qui ménage assez d’instants de frousse pour ne pas souffrir de la comparaison avec l’essentiel de la production horrifique. Par rapport à The Descent 2 par exemple, autre suite d’un grand film de frisson et original dans son procédé, Balaguero et Plaza s’en tirent quand même beaucoup mieux. Bien qu’ils nous laissent à bien des frustrations…

Benoît Thevenin

Filmographie de Jaume Balaguero :

1999 : La Secte sans nom
2002 : OT : la película (doc, coréalisation)
2002 : Darkness
2005 : Fragile
2006 : Para Entrar no vivir (Peliculas para no dormir) (TV)
2007 : [Rec] (coréalisation)
2009 : [Rec] 2 (coréalisation)

Filmographie de Paco Plaza :

2002 : OT: la película (doc, coréalisation)
2002 : Les Enfants d’Abraham
2004 : L’Enfer des loups
2005 : Cuento de navidad (Películas para no dormir) (TV)
2007 : [Rec] (coréalisation)
2009 : [Rec] 2 (coréalisation)


[Rec] 2 – Note pour ce film :
Sortie française le 23 décembre 2009

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Aucun commentaire sur “[Rec] 2 de Jaume Balaguero et Paco Plaza (2009)”

  1. Foxart dit :

    Bon, je n’ai lu que le début… pour ne rien me dépuceler…
    Je ne savait même pas que ça sortait…

    J’ai vu ce soir le remake de la dernière maison sur la gauche et… waow !

    A part le dernier plan, ridicule et qui gâche un peu la réussite générale du film, ce remake est nettement supérieur à son original…
    Et se rapproche bien plus qu’il n’y parait de sa « source » Bergmanienne, pour le coup…

    Un excellent film sur la nature humaine, la violence… le bien, le mal, etc…
    Qu’il faudrait montrer à Haneke, je trouve…

  2. Benoît Thevenin dit :

    lol, ta dernière phrase.. Non sinon, entièrement d’accord. Ca a été une super bonne surprise ce remake. J’ai été bluffé. Le dernier plan ? J’avoue que je ne m’en souviens plus…

    La Colline a des yeux par Aja et La Dernière maison, sont vraiment des remakes qui pour le coup s’imposaient, son totalement légitimes tant les originaux sont sacrément démodés. J’adore ces deux films, Craven s’en sort super bien 😉

    La dernière maison, j’avais écrit une critique quand il est sorti et au moment pou je met le point final, littéralement, l’ordi qui plante. J’avais pas sauvegardé une seule fois pendant le temps de l’écriture et j’ai tout perdu. Jamais eu le courage de m’y remettre après..

    Rec2, c’est pour Noël, 23 décembre. T’as encore un peu de marge. Et encore, car je pressens qu’il sortira dans un tout petit cercle de salles.. :-s

  3. Cactus dit :

    je découvre ici !
    jamais trop tard ; à souvent !
    ( vous êtes allié né chez moi )

  4. Foxart dit :

    Le dernier plan c’est le coup de la tête dans le four à micro-onde…

    Mais cette scène apparaissant aussi dans les scènes coupées, il est possible qu’elle soit réservée à l’édition DVD « non censurée »…
    Si c’est le cas, ils ont perdu une bonne occas’ de la laisser cantonée dans les bonus celle ci !

    Au passage, je me suis refait Quarantine hier soir, je m’étais revu [Rec] il y a une paire de semaine et je maintiens ma position, le remake est nettement supérieur à l’original !
    Sauf les dix dernières minutes, pur chef d’oeuvre de terreur: là, avantage Balaguero/Plaza, de très loin !!!

  5. Stephon dit :

    Mince alors ! J’ai vraiment adoré le premier. Tant pis, je vais m’en tenir au premier teaser et cette douce musique retro sur images sanglantes.

  6. Benoît Thevenin dit :

    @ Foxart : en effet, je ne me rappelle pas cette scène.

    Le Remake de Rec, je suis d’accord avec toi. je l’ai regardé parce que tu me l’as bien vendu d’ailleurs. J’étais sceptique mais il s’est avéré que je suis complètement d’accord avec toi. A une nuance près, « nettement supérieure », j’irais pas jusque là quand même. Mais le réal arrive à partir de quelques différence minimes à augmenter l’efficacité que je trouve déjà presque optimale dans l’original. Sacré prouesse.

    @ Stephon : je suis toujours embêté quand je vois qu’un de mes textes peut démotiver des personnes à voir un film. J’invite toujours aux gens à se faire leurs propres avis malgré tout, je m’en voudrais si vous découvrez le film dans quelques temps et que vous le trouvez bien meilleur que ce que moi j’en pense 😉

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