Manderlay de Lars von Trier (2005)

Le Dogme, pour beaucoup, a été un instrument mercantile destinée à attirer l’attention sur la petite personne de ce personnage mégalo et hors du commun qu’est Lars von Trier. Pourtant, à mesure que son œuvre se construit, le Dogme prend de la valeur. En ce qui concerne Lars von Trier, le Dogme c’est d’abord l’idée d’un cinéma épuré au maximum et derrière lequel la notion d’auteur disparaît, s’efface.

Avec Dogville, Lars von Trier allait jusqu’au bout de cette logique. Manderlay en est la suite. Les parti-pris sont les même et on y est maintenant habitués. Le schéma narratif ne diffère pas non plus. Chez Lars von Trier, le personnage principal est toujours un martyr qui effectue son chemin de croix. Le lexique religieux est récurent. Grace était le martyr de Dogville. Elle y a fait son chemin de croix jusqu’à la résurrection. Dans Manderlay, celle qui est martyrisée est moins un personnage qu’une communauté entière, la communauté noire américaine.

Car la trilogie de Lars Von trier se veut une fable sur la constitution des Etats-Unis. Avec  Manderlay, Lars von Trier s’attaque alors au thème douloureux de l’esclavage. Le sujet et si sensible que le film suscite des réactions disproportionnées  et bien tranchées. La propension de Lars Von Trier à la provocation est donc intacte. Au moins permet il un débat. Il faut dire que l’esclavage représente un pan de l’Histoire US. Le sujet fait peur, est peu porteur, et l’épicentre de querelles souvent bouillonnantes.

Grace n’est plus joué par Nicole Kidman mais par Bryce Dallas Howard, fille de… Le choix de casting est déjà plutôt brillant.  Ce n’est pas que Nicole ne nous ait pas convaincu, loin de là, seulement Bryce, pour son premier très grand rôle, la remplace haut la main. Elle est la parfaite incarnation de Grace.

Grace arrive à Manderlay ou l’esclavage est central à la vie de la cité. Parée de bonnes intentions, elle cherche à aider à l’émancipation de la communauté noire exploitée. Il y a alors comme une parabole par rapport à l’actualité de la politique internationale. Ainsi, la communauté doit affrontée une nouvelle réalité : elle qui a toujours été exploitée doit apprendre la démocratie, doit apprendre à vivre libre. Si l’ont veut bien admettre les prétendues bonnes intentions de l’administration Bush, il y a donc bien comme une évidente comparaison avec la difficulté du peuple irakien à se défaire de son passé. L’Irak se bâtit sous administration américaine. Manderlay se bâtit sous l’administration de Grace.

Du film de Lars Von Trier, il se dégage d’abord une sympathie pour la communauté esclave. Le regard semble très positif et les ficelles du scénario bien rôdées. Lars von Trier se laisse cependant aller à des sous-entendu qui peuvent être gênant.

En Irak, il y a beaucoup de monde pour dire que sous la dictature du Raïs, la sécurité et l’ordre régnait tant bien que mal. Aujourd’hui, il y a donc comme une nostalgie du règne de Saddam Hussein. Dans Manderlay, on comprend petit à petit que Grace détruit par sa bonne volonté l’équilibre instauré par l’esclavage. Au final, elle pose plus de problème qu’elle n‘en résout et ce, jusqu’à la conclusion du film… Cette conclusion nourrit la thèse d’un film extrémiste.  On semble y déceler un discours effectivement très marqué : les noirs seraient incapable de vivre en autonomie et auraient besoins de règles strictes pour trouver leurs places sur le plan social. La conclusion semble aussi valider ce classement des différents comportements des noirs.

Cependant, il faut aussi dire que le cheminement de la pensée de Lars von Trier tout au long du film est plutôt éloquent et plein de bon sens. On ne peut guère attaquer le cinéaste sous l’angle du racisme pendant tout le déroulement du film. Il n’y a que la conclusion pour jeter un certain trouble.

Benoît Thevenin


Manderlay – Note pour ce film :
Sortie française le 9 novembre 2005

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