Tondo est le nom du quartier le plus pauvre de Manille, la capitale des Philippines. Deux gangs s’affrontent selon des codes très typiques de la culture gangsta américaine et le hip-hop rythme d’ailleurs la vie de cette jeunesse désoeuvrée. Sexe, drogue, violence, chômage… voilà le quotidien de ce quartier, le plus chaud de la capitale. Ce quotidien, il est probable que le réalisateur – Jim Libiran – le connaît par coeur. Il est lui-même originaire de Tondo.
Avant de signer avec Tribu son premier long-métrage, Jim Libiran a d’abord été journaliste. D’où peut-être le recul qu’il arrive à avoir sur cette vie qu’il nous montre. Le film est peut-être maladroit, l’image vidéo betacam n’est pas non plus forcément très agréable, mais on ne peut nier un certain sens de l’écriture filmique. Tribu est un film percutant et pour autant ne fais pas la part belle à ces gangs.
Bien sûr, c’est autour d’eux que la vie dans la rue s’organise. D’autant plus qu’un meurtre vient d’avoir lieu et qu’une vengeance se prépare en conséquence. La tension ne va cesser de monter jusqu’à un final sans réelle concession. Pourtant, au milieu de ce chaos, il y a aussi un enfant de dix ans. C’est a travers lui, son regard, que le film est vu. Mais le garçon a déjà perdu depuis longtemps son innocence. Il assiste aux rituels d’un des deux gangs, et est même, dès les premières minutes du film, spectateur des ébats de sa mère junkie avec un homme inconnu.
Ainsi, Tribu est un film tout ce qu’il y a de plus chaotique, et la vie de ce garçon est peut-être déjà perdue. Au coeur du chaos, la vie s’exprime quand même et reprend parfois le dessus. Il y a par exemple cette très belle séquence intime ou le petit garçon de dix ans, un soir tard, prépare un plat pour sa mère qui vient de le lui demander. L’enfant amène le plat mais sa mère, shootée à l’héroïne, comate dans son lit. L’enfant s’alloge près d’elle et l’enlasse avec ses petits bras. Sa mère glisse elle sa main contre celle de son enfant. Un joli moment, mais un instant assez rare dans ce quartier sans foi ni loi.
Tribu n’est pas un film facile, pas tant à cause de sa violence (très sobrement filmée et pas forcément impressionnante) qu’à cause des conditions amateurs dans lesquels le film a manifestement été tourné. Il n’empêche que le film est courageux, sincère, réalisé avec les tripes et que sa dramaturgie est assez bien huilée pour que le sens du cinéma de Jim Libiran nous saute aux yeux.
Benoît Thevenin
Tribu – Note pour ce film :