Oscars 1993 / Meilleur film
Le personnage qu’incarne Clint Eastwood dans Impitoyable est un survivant, un survivant de la grande époque de la conquête de l’ouest, des affrontements entre mercenaires et citoyens honnêtes d’une nation fragile car en train de se construire. William Munny est connu comme quelqu’un d’impitoyable, un bandit assassin qui n’a pas hésité durant sa carrière à sacrifier les vies de quelques innocents, y compris femmes et enfants. William Munny s’est pourtant retiré. Il est veuf et a juré à son épouse de demeurer un homme juste et bon.
La première séquence est impressionnante. Un cowboy ivre taillade le visage de la prostituée avec qui il est, au motif qu’elle s’est moquée de son anatomie. En représailles, lui et son complice seront pendus. Le shérif (Gene Hackman) choisit finalement d’échanger leurs vies contre du bétail, ce qui ne satisfait pas les collègues de Delilah, la victime (Anna Thomson). Les prostituées réunissent mille dollars pour récompenser celui qui fera payer aux deux cowboys leur forfaitures. William Munny (Eastwood) finit par accepter le contrat et sollicite son vieil ami Ned Logan (Morgan Freeman).
William Munny est un personnage qui répond de toutes les ambivalence accolées à la propre image de Clint Eastwood. L’implacable Dirty Harry s’est mué peu à peu en une figure droite, toujours autoritaire mais adoucie par un sentiment profond de justice. Munny n’est pas pour autant un ange vengeur, le héros de L’Homme des hautes plaines ou Pale Rider qu’Eastwood a aussi incarné. Munny est un homme à la nature vicieuse, un hors la loi revenu de tout et qui a finit par se ranger, sans pour autant que sa nature profonde n’ait été ensevelie. Quand il reprend le fusil, le seul désir de Munny est bien de corriger l’insupportable affront subit par Delilah. Le héros vengeur, poursuivi par ses démons, n’est cependant pas beaucoup plus vertueux que le violent et impitoyable shérif qui cherche à faire régner l’ordre dans sa ville.
Il n’y a dans Impitoyable que des anti-héros, des hommes qui ont imposé l’enfer et en sont revenus pour s’affronter encore, entre eux. Le premier plan du film, un couché de soleil et Munny en train d’enterrer le corps de son épouse, signe d’emblée le caractère crépusculaire de ce western assez atypique. Eastwood ne montre pas que des cowboys vieillissants et brisés, il installe aussi un caractère trivial qui colle à tout le récit. Ces personnages qui paraissent si intransigeants, courageux et efficaces, se révèlent en fait maladroits et relativement minables. Minable n’est en fait pas le qualificatif juste. La logique d’Impitoyable est simplement l’inverse de celle des western classiques et des héros légendaires qui s’affrontaient en face à face.
Dans Impitoyable, les tireurs ratent leurs cibles, échouent souvent. Ceux qui sont exécutés le sont en position de faiblesse, dans le dos, ou assis sur le trône d’un WC de fortune par exemple. Eastwood démythifie l’ouest et ses figures. C’est ce qui vaut au film sa réputation très largement commentée d’un western crépusculaire qui clôt d’une certaine manière un pan entier de la culture cinématographique hollywoodienne. Le genre est épuisé et Eastwood le ramène à sa dimension peut-être la plus rigoureusement triviale et désenchantée.
Impitoyable semble particulièrement représentatif de tout le cinéma d’Eastwood, et en particulier l’essentiel des films qu’il réalisera ensuite. Le personnage de Munny et celui de Walt Kowalski dans Gran Torino sont par exemple très semblables l’un et l’autre. Eastwood s’octroie des rôles de justes, mais ces personnages sont la plupart du temps bien plus complexes. Eastwood se révèle aussi avec ce film de plus en plus intéressé par la dimension tragique de ses histoires, qu’il accole à celle mélodramatique qui constitue dorénavant l’une de ses marques de fabrique. Impitoyable n’est pas tout à fait un tire-larme, mais il amorce une tendance qui sera réellement enclenchée avec son film suivant en tant que réalisateur, Un Monde parfait.
Benoît Thevenin
Un pur chef d’oeuvre !!!
Un de mes films préférés d’Eastwood et pourtant, à priori, je déteste les westerns en général…
C’est sans doute la dimension quasi-fantastique du film qui m’avait tant séduit…
Pas revu depuis sa sortie…
ah c’était une série Clint Eastwood !! globalement d’accord avec toi … 4 étoiles pour Sur la Route de Madison … mon préféré du bonhomme reste tout de même Mystic River …
Oui je vais tenter de continuer de faire ça de plus en plus, revenir sur les anciens films des réalisateurs qui resortent quelqus chose en salle ou qui refont l’actu.
Il y a déjà eu comme ça des cycles pour Jacques Tati (en lien avec l’expo qu’il y avait à la Cinémathèque), Michael Mann, Tarantino, James Cameron, Alejandro Amenabar etc. Là Eastwood même si je n’en ai choisi que quelques uns.
Prochainement ? Bong Joon Ho.
et je ne m’interdis pas de consacrer des cycles à des cinéastes juste comme ça parce que j’en ai envie (comme Hitchcock, Truffaut ou Godard cet été). Fatalement, un de ces 4 je reviendrai sur les films de Kubrick, Bergman, Louis Malle etc.)
Kubrick, c’est fatal !