L’année 2008 avait commencé avec un très grand film des frères Coen (No Country for old men) et c’était achevée avec un Coen très petit bras (Burn after reading). La filmographie des deux frères se construit comme ça, selon une relative alternance entre films sérieux et ambitieux et d’autres qui s’apparentent davantage à des récréations…
A Serious Man débute avec une séquence indépendante de l’histoire qui nous sera racontée. Dans un village polonais du début du XXe siècle, un couple juif reçoit un vieil homme à l’invitation du mari. L’épouse considère elle qu’il s’agit d’un usurpateur, l’homme qui se présente étant sensé être décédé depuis trois ans. Le Dibbouk, le Diable selon la mythologie juive, se serait donc infiltré dans la maison. L’esprit malin empiète une première fois l’espace personnel d’un homme que l’on peut considérer comme un honnête homme (A Serious man), très attaché au respect de la tradition et des idéaux de sa religion.
Ce préambule a valeur de fable, une fable qui va se décliner ensuite à travers les affres de la vie que va subir le héros, Larry Gopnik (Michael Stuhlbarg). L’action se déroule maintenant dans les années 60 dans le cadre d’une calme banlieue pavillonnaire US. Larry vit une existence à peu près réglée correctement : il enseigne les maths au lycée du coin mais il n’est pas encore titulaire du poste. Larry est marié, père de deux enfants, et apparemment bien intégré à la puissante communauté juive installée autour. La relative stabilité de la vie de Larry va cependant rapidement voler en éclats.
Larry est ce que l’on peut appeler un honnête homme. Son frère squatte la salle de bain de la maison, son épouse à un amant, son voisin spolie une partie de son terrain et au travail, un étudiant coréen lui impose un certain chantage… L’espace de Larry est grignoté de tous les côtés, à tel point qu’il commence à se sentir mal à l’aise, étouffé, et en quête de réponses à toutes les questions qu’il commence à se poser.
Les frères Coen témoignent une fois encore avec ce film de leur cynisme. La morale n’est ici rien d’autre que « trop bon, trop con ». Les réalisateurs, à force d’ironie, écornent les principes fondamentaux de la religion juive. Ils dépeignent une hypocrisie de tous les instants, une solidarité communautaire qui n’est que fantasme. Larry est un homme sérieux et bon, incapable d’aller au conflit, qui cherche à apaiser ses problèmes par le dialogue sauf qu’il n’y parvient jamais. Autour de lui, les gens sont tous comme animés par le Malin, lui dévorent son espace sans en donner l’impression. Le seul moment ou Larry trouve un véritable réconfort, une voie d’épanouissement, c’est lorsque lui même bascule de l’autre côté de la morale, lorsqu’il épie depuis son toit sa belle voisine en train de bronzer nue, puis lorsqu’il tente de la séduire. Larry et malhabile mais c’est en se libérant de sa condition d’homme droit qu’il obtient ce qu’il convoite.
Avec A Serious Man, les frères Coen aboutissent au constat simple que nous n’aurons jamais une emprise totale sur le monde, que nous ne pouvons pas toujours comprendre ce qui arrive. Ni la religion, ni son antithèse, les mathématiques, n’apportent toutes les solutions. Larry est perturbé car il a besoin d’assimiler les évènements qui noient ses certitudes. Lorsque tout semblera rentrer dans un certain ordre, le couperet tombera de la manière la plus cinglante.
La conclusion du film ne manquera pas de laisser perplexe mais il ne faut sans doute rien y voir d’autre que l’impitoyable sanction à laquelle se heurte finalement les hommes bons. Les frères Coen ne se contentent pas de régler leurs comptes avec l’éducation religieuse qu’ils ont reçu, ils témoignent encore de la tragicomédies des vies des gens simples dont film après film ils font le portrait.
A Serious Man est un film réjouissant parce que très drôle, mais profondément cynique et noir. Le film est dans la lignée d’autres comme Fargo ou The Barber, plutôt The Barber même. Dans ce film là, les personnages finissaient tous par devenir coupable d’une chose, mais innocents de ce dont on les accusaient. La fatalité s’occupe de tout équilibrer, ce qui est manifeste dans The Barber pour le spectateur mais pas du tout pour les personnages qui eux ne comprennent rien de ce qui leur tombe dessus. Larry dans A Serious Man ne saisit rien de plus, son existence est fragile, soumises à divers aléas, comme tout un chacun. La morale du film est bien celle-ci, qui correspond à la morale de la complète filmographie des Coen, l’homme bon ne peut pas triompher dès lors que tous les coups sont permis pour ceux qui s’affranchissent des règles…
Benoît Thevenin
Encore une fois je dois dire que c’est une très bonne critique. Je suis absolument d’accord avec tout ce que tu dis. Sauf que contrairement je ne trouve pas que A serious man ressemble à The barber ! Je dirais que c’est un mélange de tout se qu’on déjà fait les deux frangins…
Très bon film en effet, sans doute le premier grand film de 2010.
Les frères COEN ont un style bien à eux mais malgré cela, il est quasi impossible de les cataloguer dans un genre spécifique. Disons que c’est du « Frères COEN » et que certains n’aimeront pas.
Il faut peut-être décoder un peu les images du film etla critique de Benoît est en soi excellente.
Effectivement du très bon cinéma
J’ai bien aimé le sex apeal de la voisine juive sinon un film réalisé par des pro mais je n’ai pas trouvé un grand interet avec mon experience.
5/10