Le Japon, en plein boom économique, n’accepte pas la vision désenchantée de la société japonaise que Kurosawa montre dans Dodes’kaden (1970), son premier film en couleurs et, par certains aspects, expérimental. Le très mauvais accueil de son travail plonge Kurosawa en pleine dépression, d’autant que le cinéaste connait quelques problèmes de santé. Kurosawa manque une tentative de suicide en 1971, preuve qu’il se sent véritablement au fond du gouffre.
En 1975, Kurosawa accepte l’invitation de la compagnie soviétique Mos’Films de tourner un film pour eux. Dersou Ouzala, inspiré des carnets de l’explorateur russe Vladimir Arseniev, est le premier film réalisé par Kurosawa en dehors du Japon.
Le film raconte l’amitié entre Arseniev et Dersou, un chasseur qui servira de guide à l’explorateur russe et ses hommes dans la taïga. Dersou vit en communion avec la nature. Il connait tous les secrets de la forêt et voue un culte sacré envers les animaux qui y vivent. Pour cette raison, Dersou est d’abord acceuilli avec beaucoup de scepticisme par les soldats soviétiques qui ne savent trop quoi penser de lui. Dersou se révèle rapidement un compagnon précieux et attachant.
Au-delà de l’histoire d’amitié, Dersou Ouzala diffuse un puissant message humaniste (le dialogue entre les cultures) et écologiste. Dersou invite au respect de la nature et pensent aux générations qui le suivront. La portée du message est évidemement toujours très actuelle. La relation entre les deux hommes donne une impression de grande naïveté pour le film dans son ensemble, mais le propos n’est jamais mièvre, démagogique ou sentimentaliste. Kurosawa offre un film pudique et subtile qui évite tous ces pièges. Il aurait été pourtant facile d’y tomber, notamment parce que dès la première séquence nous apprenons le décès de Dersou. Le film est raconté entièrement du point de vue d’Arseniev, lequel évoque rétrospectivement leurs aventures ensemble. Ainsi, il est acquis dès le début du film que nous devront affronter la mort du héros. Kurosawa, en épousant le regard d’Arseniev, parvient à éviter cet écueil subtilement.
Le film est construit en deux parties distinctes. Dans la première, Arseniev et Dersou se rencontrent et apprennent à s’apprécier. L’Aigle de la taïga, comme les soviets surnomment Dersou, aide considérablement Arseniev à aller jusqu’au bout de son exploration. Quelques années après, Arseniev repart explorer la taïga et mettra un certain temps avant de retrouver Dersou. Si la compagnie du chasseur est si précieuse, ce n’est pas seulement parce qu’il est le meilleur guide qu’il puisse espérer avoir, mais parce que Dersou est un personnage hors du commun doté de qualité humaines rares.
Dans cette seconde partie, Dersou commence à devenir un vieil homme et son pouvoir sur la nature perd de son influence. Son esprit n’est plus tout à fait aussi vif et il se croit victime d’une malédiction, lui qui est très attaché aux légendes de la forêt. Si le film parvient à être émouvant, Kurosawa ne sombre jamais dans le mélo ou le pathos. Le cinéaste voue seulement une belle empathie envers ses deux personnages.
Avec Dersou Ouzala, Kurosawa célèbre la nature et met en garde contre sa destruction au profit de l’urbanisation. La nature est un personnage à part entière dans le film, et qui ne se construit pas seulement dans la contemplation mais aussi à travers la dimension mystique qui est insérée via le personnage de Dersou. Parce que le film est aussi le second qu’il réalise en couleurs, Kurosawa restitue à la nature toute sa palette de couleurs, ce qui la met d’autant plus en valeur à l’image.
Kurosawa réalise avec Dersou Ouzala une belle fable qui sera notamment récompensée par l’Oscar du meilleur film étranger en 1976. Kurosawa va ensuite continuer de travailler avec l’étranger et justement avec Hollywood qui coproduira à l’avenir chacun de ses films. Une orientation dictée par la difficulté qu’a Kurosawa de trouver le financement nécessaire pour ses projets mais qui s’accorde aussi avec le message humaniste de Dersou Ouzala. Cette collaboration entre les cultures, entre Dersou et Arseniev dans le film, symbolise finalement parfaitement l’orientation nouvelle de la carrière de Kurosawa.
Benoît Thevenin
Un pur chef d’oeuvre !
Et un des films de ma vie…
Un souvenir de mon père, aussi,… j’étais très jeune (9 ans…), on devait aller voir L’Aile ou la cuisse, je crois, mais c’était complet… du coup mon père s’était rabattu sur celui ci… je pense que c’était un choix égoïste, il avait envie de le voir et se foutait bien que ça me plaise ou pas… Bref, on l’a vu, il s’est copieusement emmerdé et moi… J’ai fini le film en sanglots, j’ai adoré, ce film m’a marqué comme rarement et c’est sans doute un de mes premiers chocs cinéphiles… Un des films qui m’a amené à aimer le cinéma.
Je ne l’ai jamais revu depuis… mais j’en garde un souvenir très puissant, de beauté, d’émotion.
Des films qui vous marquent à ce point, c’est rarissime…
J’ai 41 ans .maintenant et les rares souvenirs que je garde dans ma tête encore , de mon enfance , c’est l’histoire de Dersou ouzala.
J’adore la nature et je crois grâce a ce souvenir très lointain qui ma foudroyé.j’ai toujours garder en mémoire
la Phrase Dersou ouzala , le personnage , le vieillard sage , fort correct ..enfin beaucoup de chose que je n’arrive pas a exprimer correctement.J’aimerais bien revoir ce film , replonger dans un monde hals