Pendant que Brillante Mendoza et Raya Martin présentent leurs films dans les plus prestigieux festivals internationaux et dans d’impeccables copies 35mm, il y a toute une génération nouvelle de cinéastes philippins que l’on retrouve en compétition sur des manifestations de moindre envergure, réussissant eux aussi à se singulariser et à prouver l’emmergence d’une cinématographie forte du côte de Manille.
A l’été 2008, le festival Paris Cinéma rendait compte de cette effervescence avec un panorama de films du jeune cinéma philippin. Présenté en compétition officielle, Tribu de Jim Libiran remportait lui le prix de l’avenir. Tribu n’a depuis jamais été exploité dans les salles françaises et on devine aisément pourquoi. Comme beaucoup de films philippins, Tribu a été tourné en betacam, les copies existantes sont de piètres qualités et rendent quand même très inconfortable la découverte de ces films. Pour autant, Tribu recelait effectivement de qualité, on pouvait distinguer l’ambition de mise en scène de Libiran, son ambition de cinéma qu’il tentait d’atteindre sans y arriver vraiment par manque de moyens.
On arrive a peu près au même constat avec The Pawnshop, premier long-métrage tout ce qu’il y a de plus fargile de Milo Sogueco. La séquence d’ouverture dénote d’emblée quelques intentions de mise en scène et, donc, une volonté de faire du cinéma mais l’image betacam a encore ses limites et qui gâchent considérablement le film.
The Pawnshop tourne autour d’un établissement de pretteur sur gage tenu par la sévère Olivia. Cette dernière emploie deux personnes, Amy (Ina Feleo) sa très mignonne nièce avec qui elle vit, et un agent de sécurité. Les personnes mettant en gage leurs biens parce qu’en difficulté, c’est tout un contexte économique et social que Milo Sogueco tente de rendre compte.
Le film prend pour cadre le quartier de Tondo, soit le plus pauvre de Manille. C’est là que prennent place généralement la plupart des films philippins évoquant pour une grosse partie la guerre des gangs et la violence (Cf. Tribu notamment). Milo Sogueco offre un film radicalement différent. On a d’ailleurs même pas l’impression d’être à Tondo, c’est une autre facette de la vie dans ce quartier que Milo Sogueco montre. Le récit est très resserré autour de l’établissement, la propriétaire et sa nièce vivent dans une grande demeure très confortable. Rien à voir alors avec un film comme Tribu.
Le film de Milo Sogueco est un mélo très naïf qui, s’il ne manque pas de coeur, est aussi un film maladroit et avec une émotion bien trop appuyée. Les trois notes de piano qui reviennent souvent dans la première partie deviennent rapidement insupportables. Le film souffre aussi de son manque de moyens. Les contrastes de lumières sont tels que l’on se dit que le cinéaste aurait vraiment gagné à mettre son film en noir et blanc. La tonalité d’ensemble changerait peut-être un petit peu, mais on pense aussi que les qualités cinématographiques sauteraient aux yeux plus facilement. Il y a pas exemple une scène romantique de repas, filmée au ralenti, avec la lumière en surexposition qui découpe les visages et la fumée des cigarettes qui s’échappe. Cette scène est un moment clé du film, mais assez ratée, qui provoque même quelques sourires au cinq ou sixième mouvement répété par la jolie héroïne en train de verser des cuillerées de sauce dans le bol de son ami. Involontairement ou pas, Milo Sogueco semble à ce moment là emprunter le style de Wong Kar-wai (romantisme, ralenti, fumée etc.), mais la manière est bien trop maladroite. Et c’est en fait très emblématique du film dans son ensemble…
Benoît Thevenin