Si ton petit ami se tire une balle dans la tête, personne ne sera étonné que tu puisses être traumatisé. Et si on retrouve ton corps sans vie quelques temps après, on imaginera volontiers que vous avez été frappés par le syndrome Roméo et Juliette…
C’est le point de départ de From within (très intelligemment rebaptisé Inside pour l’exploitation française du DVD… (sic)). Le cadre est celui d’une toute petite ville américaine rapidement affecté par une vague de suicides improbables. L’introduction de cet article fait référence à la séquence d’ouverture, et si le garçon choisit un moyen classique de se tuer, sa petite amie se plante elle les ciseaux dans la gorge, ce qui n’est quand même déjà plus très banal. Nous ne sommes donc pas dans un film comme Everything is perfect, délicat film québécois qui traitait de la question du mal être adolescent à travers – c’était le point de départ du métrage – les suicides successifs de plusieurs lycéens que tout le monde imaginait bien dans leurs peaux…
From withing était sélectionné à Gérardmer 2010 dans la catégorie « inédit vidéo », et a d’ailleurs remporté le prix en question. Car oui, From within est un film fantastique, les suicides se multipliant dans cette petite ville car une malédiction frappe toute la communauté.
De là, Phedon Papamichael tisse une intrigue ou le mystique côtoie le fanatisme religieux le plus abominable. From within n’est peut-être qu’une modeste série B horrifique, qui remplit haut la main sa mission, mais n’est pas pour autant tout à fait la petite production anecdotique que l’on pourrait s’attendre à voir. Le film dessine tout de même le portrait d’une certaine Amérique en proie à ses démons. L’idée est même à prendre au pied de la lettre puisque les personnages meurent dès lors qu’ils rencontrent leurs doubles maléfiques.
Le final, d’un cynisme absolu, achève la perception d’un film sombre et désespéré, qui dénonce avec force l’obscurantisme qui peut régner ci et là. Pour autant nous n’avons pas affaire à un film moral. From within est simplement à l’envers des représentations habituelles de la religion dans le cinéma américain, souvent prosélyte ou en tout cas complaisant alors même que l’extrémisme religieux manifeste un retour en force relativement emblématique, sans doute, des deux mandats de George W. Bush. C’est la face cachée de cette Amérique là que le film explore à sa façon et à son niveau, sans grande prétention mais avec efficacité.
Benoît Thevenin
Inside (From within) – Note pour ce film :
Je pense que tu oublies de parler de la mise en scène qui s’oppose radicalement aux codes actuels du cinéma US fantastique de ces dernières années et qui évite « l’épilepsie » en imposant un filmage très sobre, un rythme très lent et envoutant…
C’est ce qui fait pour moi que ce film dépasse la simple série B de genre en démontrant un vrai talent et de vrais choix de réalisateur.
Pour le reste, tout ce que tu dis est très juste sauf sur un point, tu dis qu’il ne s’agit pas d’un film « moral », je pense au contraire qu’il l’est et que son final est désespéré mais pas cynique.
Tu parles de « morale » comme s’il s’agissait d’un défaut au cinéma.
J’aime le cinéma « moral », pour ma part…
Ceci dit, j’aime aussi parfois le cinéma immoral ! lol
En tous cas, concernant ce film, on est bien d’accord, même si je suis un peu plus enthousiaste que toi: C’est bel et bien de cinéma dont il s’agit, et honnêtement, c’est pas si courant, notamment concernant ce genre de films !
Personnellement, j’encourage tout le monde à acheter ce beau DVD !
Non, non, « moral » n’a rien de péjoratif, ma phrase est peut-être maladroite alors. J’aime le cinéma « moral » moi aussi, pas celui moraliste. Je voulais dire que ce n’est pas un film moral parce que le bien ne triomphe finalement pas..
Et si je trouve le film cynique en plus de désespéré, c’est parce qu’a quelques secondes près, le film se finit bien…
Le volte/face de la dernière minute tourne le dos à tout un pan du cinéma américain très hypocrite, et c’est heureux car justement le film dénonce un peu cette hypocrisie latente dans la société.
Le final est donc tout à fait légitime et même de bon sens, mais il est en contradiction avec l’esprit de beaucoup de films américains et cette culture du happy end.
Pour la mise en scène, oui je suis d’accord. Je relative juste un peu, parce que s’il y a Darren Lynn Bousman le bien nommé, avec sa caméra sous ecstasy et son montage à a mitraillette, on peut lui opposer des mecs comme Shyamalan ou Richard Kelly.
Il existe les deux même je pense, plus ou moins a égalité, mais comme la saga en vogue c’est Saw, ca fait presque figure d’étendard du cinéma de genre horreur ou horrifique moderne, alors que ca ne dénote qu’une tendance, certes assez affirmée, mais qui ne bouffe pas tout sur son passage.
« Esther » ou « La Dernière maison sur la gauche », par exemple, bénéficient eux aussi d’une mise en scène relativement sobre.
En tout cas, j’encourage aussi tout le monde à se procurer cet excellent film.!