En ces temps de disette cinématographique, quand les films qui sortent en salle nous paraissent tous plus médiocres, mauvais ou simplement ratés, se retrouver confronté à un vrai grand film nous assure immédiatement une grande claque. Il se passe avec Shutter Island, la même chose que pour A Serious Man des frères Coen ; ce sentiment de découvrir un film ample et maîtrisé de bout en bout. En ce début d’année 2010, il est donc bon de se réfugier vers quelques valeurs refuges. On pouvait être quelque peu insatisfait par les derniers films de Scorsese mais ce dernier démontre avec Shutter Island qu’il est toujours au sommet de son art.
Shutter Island est l’adaptation du roman de Dennis Lehane, auteur dont le monde sombre a jusqu’ici très bien été transposé au cinéma, par Eastwood d’abord (Mystic River), par Ben Affleck ensuite (Gone Baby Gone). Ayant choisit de ne pas lire Shutter Island pour débarquer vierge de tout préjugé dans l’univers du film de Scorsese m’empêche de fait d’enclencher une réflexion qui emprunterais cette porte d’entrée là. Non seulement il est heureux que les films puissent se comprendre indépendamment des bouquins dont ils peuvent être les adaptations, autant Scorsese y parvient d’autant mieux que les clés de son film sont nombreuses et suggèrent autant de pistes d’analyses. Scorsese réussit aussi à nous faire oublier qu’il s’agit là d’une adaptation, tout simplement par ce que l’on devine le cinéaste en train de s’approprier la matière du livre pour offrir finalement un film très personnel, porté par une mise en scène ambitieuse et subtile, et un montage au diapason.
Au départ, un duo de marshals US (DiCaprio et Ruffalo) débarque en ferry sur l’île de Shutter Island pour enquêter sur la disparition très mystérieuse d’une femme jusqu’alors internée dans l’hôpital psychiatrique de l’île, refuge de criminels tous plus dangereux les uns que les autres. Shutter Island est une île rocheuse dont la seule porte d’entrée et de sortie pour le continent est ce ponton ou amarre le ferry. Une tempête menace de s’abattre sur l’île, et le commandant du bateau explique aux deux policiers qu’il ne les attendra pas indéfiniment. L’action se déroule sur quelques jours en 1954, en pleine Guerre Froide, avec l’enquête dirigée par le marshal Teddy Daniels (DiCaprio), vétéran de la seconde Guerre mondiale, et un homme encore affecté par la mort de son épouse dans un incendie criminel quelques années auparavant… Sont posées là les bases d’une intrigue dont il est important de ne pas révéler les ressors.
Les premiers éléments importants sont simplement géographiques. Sur l’île, les personnages sont de fait isolés par rapport à la société, et la tempête qui menace a tout autant valeur de métaphore. Scorsese installe lui une ambiance typique du film noir des années 50, bien aidé en cela par DiCaprio dont le registre de jeu, l’élocution (encore un film qu’il sera insensé ou en tout cas dommage de découvrir en VF…), le situe immédiatement dans la lignée des grands personnages de détectives du cinéma noir. Le cadre temporel est aussi celui de la Guerre Froide, époque de paranoïa exacerbée qui trouvera ses échos à l’intérieur des couloirs et bureaux de l’HP sur l’île.
Scorsese développe à partir de là une thématique de la folie qui traverse son oeuvre depuis ses débuts, de Taxi Driver à Aviator, en passant entre autres par Les Nerfs à vif et A tombeau ouvert. Shutter Island est cependant un film un peu moins viscéral et plutôt subtile dans son approche. Scorsese utilise l’île comme un moyen de dépeindre l’univers mental de ses personnages, et plus particulièrement de son héros, sans cesse au bord du précipice, à l’image autant qu’intellectuellement. La tempête, les falaises, ne font cependant pas tout. La richesse du film c’est de ne rien offrir au spectateur qui soit gratuit. Chaque scène trouve un écho ou une réponse, chaque action engendre une conséquence jamais anodine. Et les décors sont toujours conçus de telle manière qu’ils rendent compte réellement de l’état mental des personnages. L’hôpital psychiatrique et ses trois bâtiments révèlent certains clivages, des luttes intestines. Plus encore, les couloirs labyrinthiques et tortueux, qui le sont sans doute moins que ce que la mise en scène parvient à nous suggérer, participe de l’état de confusion ingénieusement élaboré. Et sans parler du phare, bastion inaccessible qui nourrit les espoirs et renferme potentiellement les pires cauchemars.
Scorsese se plait à déconstruire un univers en théorie complètement verrouillé et sécurisé (les patients sont tous de dangereux criminels), mais de façon très délicate, en semant une confusion qui s’installe insidieusement dans l’esprit du spectateur à mesure que le récit perd en cohérence, que l’on ne sait plus tout-à-fait si l’on est dans l’action ou dans le souvenir ou dans le fantasme. Scorsese nous ôte quelques prises notamment via son montage élaboré bien sûr avec Thelma Schoonmaker, et qui une fois encore n’obéit pas aux règles en vigueur, s’inscrit dans une logique propre au récit et ou les faux-raccords qui se multiplient ici ne sont pas des fautes mais un moyen utilisé qui coïncide avec le reste, avec cette ambition de déstructurer totalement un monde aux codes établis. Des repères, Scorsese en conserve cependant, bien entendu. Il n’y a qu’à voir les vêtements portés par DiCaprio tout au long du film, trois costumes différents qui établissent la régression constatée dans le récit. Car si le film est complexe, il demeure tout à fait narratif et intelligible. Les rebondissements sont d’ailleurs nombreux, et la conclusion, si on peut la deviner en amont, est parfaitement amenée et déroutante.
Scorsese livre là son film le plus dense et impressionnant depuis longtemps, entre polar et thriller fantastique, à la lisière des genres, des références, et des interprétations multiples qu’il peut suggérer. Pour sa quatrième collaboration avec le cinéaste (après Gangs of New York, Aviator et Les Infiltrés), DiCaprio offre lui une de ses plus fortes prestations, un peu dans lignée cependant du personnage d’Howard Hughes qu’il jouait déjà dans Aviator. Le film est si riche que l’on ne doute pas qu’il puisse supporter de multiples visions. Un classique instantané, rien de moins, et la preuve que Scorsese est plus que jamais au sommet.
Benoît Thevenin
Avec Michael Stuhlbarg, Sari Lennick, Richard Kind, Fred Melamed, Aaron Wolff, Jessica McManus, Adam Arkin, George Wyner, Amy Landecker, …
Année de production : 2009
Bon bah j’va y aller alors !
Dès ce soir ! J’ai hâte !
Film abouti, maîtrisé de bout en bout et doté d’une très belle interprétation. Dommage que des oeuvres comme « la Neuvième Configuration » aient un peu balisé le chemin, rendant le film moins original que prévu. L’ambiance sonore et visuelle est sublime, on se croirait presque dans une enquête chez Lovecraft.
Bonjour,
Je ne parviens pas à trouver votre contact
alors je passe par les commentaires désolé
Là par contre pas d’accord…j’ai trouvé que la dernière partie souffre d’un énorme problème de rythme, et prévisible, déjà vue…le genre de fin qu’on ne devrait plus faire et que je n’aime pas.
D’accord avec toi pour Single Man ^^
Juste super heureuse de mon allé au ciné…ça fesai longtemps que je ne sentai plu cette satisfaction face a un film.
J’ai passé des heures à réfléchir à ce film et au dénouement. Je suis allée le revoir, et au final, il me semble que Scorsese joue sur les deux tableaux : des indices nous laissent pencher pour l’une ou l’autre des hypothèses sur le personnage du shérif. J’adore ce genre de films.
Comment peut on aimer un nanar pareil. Ce film est ridicule de bout en bout. Scorsese est un réalisateur totalement surestimé qui a fait quelques bons films au début de sa carrière mais depuis plus rien. Il faut voir aussi le nullissime « Gang of NY »
Argumentez ! Votre commentaire n’a aucune valeur sinon…
Bien dans l’esprit du livre …
La fausse transparence du début du film pour faire année 50 alors qu’à l’époque c’était fait pour des raisons économique. On comprends dès le début tout ce qui va se passer. cela manque totalement de crédibilité, la femme dans la grotte, on se demande comment elle vit sur cette ile, comment elle se nourrit etc… On utilise maintenant l’holocauste comme un produit super marché on puise dans le rayon nazisme. Scorcese fait compliqué parce qu’il n’a rien à dire. Si on remets touts les éléments dans le bon ordre on s’aperçoit que c’est d’une platitute infinie.
Je suis z’un fan de Scorsese mais pour le coup je vais rejoindre un peu ce que dit « nul »…
Le problème que j’ai eu en regardant le film, c’est que dès le départ (au moment où ils z’arrivent sur l’île et que la folle dingue lui fait « chut »), j’avais compris l’intrigue…
Donc je ne suis pas rentré dedans et à chaque séquence, le côté grosse ficelle et l’ambiance « SuperCluedo » m’ont conforté dans ce que je supposais de la finalité…
J’avais hâte que le film se termine pour savoir si je tenais le bon bout…
Et je tenais le bon bout, MERDE !
Je trouve la fin pathétique, d’une lourdeur extrême…
Je n’aime vraiment pas dire du mal du Maître mais là, je trouve qu’il en fait trop…
Mais pour défendre l’ami Martin (s’il a besoin d’être défendu…), d’autres films du monsieur ne m’ont pas plu sur le coup et avec le temps, avec une autre lecture, je me suis vu changer d’avis… Y a de l’espoir…
Sinon je découvre « LATERNA MAGICA » et je m’empresse de le mettre en lien sur le blog de nous ! Il est ce que nous ne sommes pas et ça, c’est bon !!
Nous : http://zanybao.wordpress.com/
A plus !!!!
Et pour prouver notre bonne foi, voici l’article « clin d’œil » :
http://zanybao.wordpress.com/2010/04/17/vous-zaimez-le-cinema/
Re-à plus !
On vient de le regarder et donc forcément on est venu lire la plume du maître ! Un film étonnant… Et de belles voitures 😉