Une femme disparaît (A lady vanishes) d’Alfred Hitchcock

Sitôt le tournage de Jeune et innocent achevé, Hitchcock tourne en studio Une Femme disparaît. Cet enchaînement rapide coïncide avec le rythme imposé par le cinéaste dans son film. Une femme disparaît est un film relativement court, mais mené tambour-battant.
A cette époque, la Gaumont-british est en crise et Hitchcock a conscience que malgré sa notoriété déjà établie, ses horizons se bouchent. Dès la fin du tournage de Jeune et innocent , Hitchcock se rend à New-York et rencontre quelques pontes de l’industrie hollywoodienne. Il revient à Londres persuadé que son avenir s’inscrira de l’autre côté de l’Atlantique, et réalise Une Femme disparaît avec l’idée qu’il s’agira de son dernier film britannique (il réalisera finalement un autre film, La Taverne de la Jamaïque, avant de rejoindre les USA et Selznick).

Au début d’Une Femme disparaît, il est justement question d’un grand départ. L’action se situe en gare dans un pays d’Europe centrale. Les passagers, d’horizons très divers (anglais, italiens, français etc.), sont coincés pour une nuit dans un petit hôtel, après qu’une avalanche ait empêché l’emprunt des voies par le train. La nuit est assez mouvementée mais au petit matin, tout le monde embarque. Iris, l’héroïne du film (Margaret Lockwood)  se retrouve assommée suite à la chute d’un objet. Une vielle dame, Miss Froy, prend soin d’elle et les deux femmes sympathisent. Quand Miss Froy disparait à l’intérieur du train en marche, Iris se met en quête de la retrouver mais se heurte aux réponses des autres passagers qui affirment l’avoir toujours vu seule… Iris est-elle victime d’hallucinations à cause du choc reçu ? Est-elle victime d’un complot ? S’agit-il d’un mauvais tour de prestidigitation ?

Une Femme disparaît est surtout une savoureuse comédie d’espionnage, laquelle s’inscrit indiscutablement dans le contexte des tensions géopolitiques de l’époque et du début de la première guerre mondiale. L’enjeu du film est d’abord diplomatique, pour justement empêcher qu’une guerre n’éclate, et Hitchcock critique la passivité de certains acteurs (notamment le juge, obsédé par son devoir de neutralité).

A travers la galerie de ses personnages, Hichcock égratigne gentiment, et sur un ton satirique, les comportements des uns et des autres. Iris est une petite bourgeoise qui se plait à se vanter d’avoir manger du caviar à Cannes. Le juge Todhunter pense plus à sa carrière qu’a une éventuelle lune de miel avec sa maîtresse. Charters et Caldicott – qu’Iris découvre à un moment partageant le même lit –  sont plus préoccupés par le résultat d’un match de cricket que par ce qui se passe autour d’eux …

Le film est l’adaptation d’un roman d’Ethel Lina White paru en France sous le titre On ne meurt vraiment que deux fois. Hitchcock récupéra le scénario qui en avait été tiré, réalisant ainsi pour la première fois une oeuvre dont il n’avait pas participé lui-même à l’écriture. Cependant, Hitchcock pris l’initiative de modifier les scènes finales, soit la preuve qu’il prenait soin de garder toujours le complet contrôle de son travail.

Impeccablement mené, spectaculaire lorsqu’un personnage se retrouve à l’équilibre à l’extérieur du train pendant qu’un autre dans l’autre sens semble foncer sur lui, Une Femme disparaît est un petit bijoux de fantaisie, de paranoïa et d’efficacité dans la mise en scène. Hitchcock aura livré son film après quelques semaines de tournage et de postproduction, affirmant une pleine maîtrise de la technique qu’il avait lui même développé depuis ses débuts (effets de transparence notamment). La prouesse est telle que l’on a véritablement le sentiment d’être à bord d’un train lancé à vive allure, ce qui en 1939 est une chose assez stupéfiante.

Du reste, Une Femme disparaît reçu un accueil triomphant de part et d’autre de l’Atlantique. Le succès fût à la fois critique et public et le film reste l’un des plus célèbre tourné par Hitchcock en Grande-Bretagne.
Le principal duo comique du film, Charters et Caldicott, profitera de ce succès. Les scénaristes originaux d’Une Femme disparaît (Gilliat et Launder) les réemploieront dans plusieurs films, dont Train de nuit pour Munich de Carol Reed (1940) et Ceux de chez nous que Sidney Gilliat réalisa lui même en 43.

Benoît Thevenin


Une femme disparaît – Note pour ce film :
Réalisé par Alfred Hitchcok
Avec Margaret Lockwood, Michael Redgrave, Paul Lukas, Dame May Whitty, Cecil Parker, Linden Travers, Naunton Wayne, Basil Radford, Mary Clare, …
Année de production : 1938
Reprise dans les salles françaises  le 28 avril 2010


Note pour ce film :
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